Quelques écrits de participants…

Bol d’écriture du 16/02/2024 – Thème : métamorphose corps/nature – après lecture d’extraits des Vagues de Virginia Woolf

1/ Après lecture d’extrait d’un livre de Virginia Woolf, extrait traitant d’une métamorphose, écrire un texte, vous êtes un humain ou un animal, utiliser plusieurs métaphores pour décrire une métamorphose en nature/végétal. Utilisez la phrase d’intro imposée extraite du livre (entre guillemets) :

« J’ai pris racine au milieu de la terre. Mon corps est une tige » et aujourd’hui je vais vous expliquer comment j’en suis arrivée là et puis peut-être, si vous êtes attentifs, vous dirais-je aussi ce qu’il en advint.

Tout a commencé insidieusement, voici longtemps. Discrètement, subrepticement mes balades en forêt se sont éternisées, mes activités au jardin se sont intensifiées. L’air semblait de plus en plus pur, les couleurs brûlantes : Le vert plongeant de l’herbe, le bleu si bleu du ciel, la terre brune, lourde et odorante, profonde, si profonde ! Soudain les plantes vertes, aromatiques et autres géraniums m’insupportaient ! Leur terre misérable, leurs pots étriqués, leur air artificiel, tout en elles me révulsait.  Retour urgent en forêt, en terre, en eau, en sauvagerie, libératoire ! En liberté !

Le temps passait, je ne parlais plus, je n’écoutais plus que le vent, les signes des étoiles et le chant des oiseaux, le murmure des insectes. Et l’eau ! Ah l’eau !

Les animaux semblaient comprendre et suivaient ma métamorphose avec un intérêt somme toute très étonnant. 

Mais plus rien ne m’étonnait, le monde se réduisait à un coin de jardin, il contient l’immensité ! Je demeurais immobile là, plantée. Un jour je pris racine et la terre m’accueillit. Sa force immuable montait en moi, ma peau ne fut plus que sensations, je grandis et gagnais en force, toute en immobilité, mais intérieurement littéralement, tout se déchaînait !

Ne me demandez pas à quoi je ressemble, ne me demandez pas ce que je regrette. Je ne sais rien, je ne regrette rien. Désormais je suis géante parmi les arbres, sage au sein de l’univers, je suis garante de la vie et aussi de l’air et de l’eau, mes racines retiennent la terre et mes branches supportent le ciel, ombrageant le feu du soleil, mémoire de vos ADN. Vous n’avez qu’à tout détruire, ce n’est pas grave. Je suis là.

2/ Ecrire un texte sur la thématique du temps et  la goutte en utilisant la phrase d’intro extraite du livre de Virginia Woolf (entre guillemets), utiliser des répétitions 

« Et le temps s’égoutte, la goutte se forme sur le rebord du toit de l’âme et tombe. Le temps la fait tomber ».

Oui le temps s’égoutte, il dégouline, il dégueule, il nous noie, il se noie lui-même, il s’oublie dans tous les sens du terme ! Einstein l’a prouvé : Partir à 300 millions d’années-lumière, nous ramènerait sur terre trente ans avant notre départ. L’eau n’aurait pas encore dégouliné, la fusée n’aurait pas encore décollé, la goutte ne goutterait pas du tout et qui peut me dire où j’en suis ? Sur le bord du toit ? et mon âme ? Elle fait le tour du soleil, elle fait la danse du ventre, elle cherche sa goutte perdue, la lumière, la relative lumière ! Mais voilà, les gouttes gouttent tout le temps et le temps cruel temps, s’égoutte ! Dans les grottes stalactites, sous l’averse -plic, ploc, plouf- sur mon crane (torture chinoise), dans ma tête, mon ventre, mon âme… le bord du toit, l’envie de goutter moi aussi, l’envie de gouter le bord du toit, la chute, la goutte qui fait déborder le vase, le temps qui fut et qui sera, le temps qui guérit tout, la goutte dans mon verre elle aussi, celle qui s’égoutte dans mon gosier, chaude et amicale, parce qu’avec toutes ces gouttes et tout ce temps qui passe, finalement chacun a le choix de sa goutte, de son temps, du verre au bord du toit, de la goutte à l’orage. Alors, jouissons du moment présent.

Petit poème :

Je goutte et tu gouttes,
Goutte d’eau
Goutte de toit
Pour toi mon âme 

Catherine Koch

Histoire d’une randonnée, du point de vue de mes chaussures

Sur la route qui mène à Saint Jacques de Compostelle, mes chaussures de randonnée rencontrent d’autres marcheurs accompagnés parfois d’un âne ou d’un chien ou randonneurs à bicyclette.

Nous nous saluons, échangeons quelques mots ou signes que nous traçons aussi sur le sol mouillé ou la pierre sèche, symboles de ralliement, prémices d’une écriture ancestrale.

Parfois, un petit caillou vient se loger entre la semelle intérieure et le pied de celui ou celle qui me porte. Aï ! cet intrus me blesse et m’abîme le cuir …. Il faut alors que le randonneur s’assoit sur un rocher ou une borne pour déloger la pierre qui s’en va rouler sur le chemin. Elle en a vu des pas et des chaussures, des pneus de vélo, des sabots de chevaux et des pattes de chien … si bien qu’elle rouspète un peu et se casse au bord de la rivière, c’est plus calme !

Ma coéquipière a un appareil photo en bandoulière … paraît que c’est un « canon », moi, je ne trouve pas ! En tout cas, s’il veut ma photo … je ne lui donnerai pas cette joie !

Le chien s’appelle Falco … il a fait plusieurs balades avec sa maîtresse et il trottine allègrement à ses côtés.

Soudain, « arrêt sur image » ! Le Canon fixe son objectif 50 mm et se cache derrière le feuillage d’un arbre… Falco renifle le sol …il a dû sentir les effluves de quelque animal qui se serait enfui dans les fourrés. Tous deux à l’affût, ils traquent la bestiole et Oh surprise ! …. Là, sur le bord du ruisseau, ils trouvent « Nounoussette » une petite oursonne en peluche, dans les mains d’une gamine d’à peine un an qui regarde dans leur direction d’un air interrogateur … avec à ses côtés, un homme, une femme, ses parents sans doute …. Canon saisit l’instant et flashe sur le tableau ! Cela fera une jolie photo souvenir une fois encadrée ….

Bon le refuge est encore loin, en route ! Mes godillots ont déjà bien souffert et il est temps de trouver un coin de repos. Faut dire que le réveil sonne à 6 h tous les jours et que nous devons être prêts pour être chaussés et repartir vers d’autres destinations.

Dommage, nous aurions aimé danser ce soir à la pleine lune, « en lacets », imbriquées l’une dans l’autre pour une valse endiablée, autour d’un feu de bois, marquées du signe de l’ange déchu. 
Michèle JANOLY, 28/04/2023

Le Temps, l’oubli, l’âge … le temps et rien d’autre !

« Qu’importe le passé, qu’importe l’avenir … c’est croire que jamais elle ne doit finir, l’illusion d’une heure ! »

Ainsi pensait Joséphine … Le temps avait passé si vite et aussi parfois très lentement. Quand elle se remémorait le déroulement de sa vie, assise dans son fauteuil près de la fenêtre ou sur un banc du parc de la Maison de retraite Les Tilleuls, elle voyait des images de paysages ou de personnes dans les rubans de nuages posés sur le ciel bleu.

L’infirmière lui avait demandé pour la nième fois son prénom, sa date et lieu de naissance et elle avait répondu sans se tromper : Joséphine, née à Paris le 10/07/1936.

Elle s’était souvenue …encore une victoire face à ALZHEIMER, l’âge, la mémoire et l’oubli.

Certes elle avait oublié des lieux, des visages, des mots sans importance …. Mais l’essentiel était encore là, logé dans son crâne, son cerveau pas encore trop ramollo !

Elle se rappelait bien aussi les yeux, le sourire, la bouche de Bertrand, le bel amant de ses vingt ans … et son mari Robert, décédé il y a un an déjà !

Elle avait eu le temps de vivre, d’être libre, de savourer des moments de joie, des heures de plaisir et avait rangé dans la « boîte à oublis », les malheurs, les mots tordus, les paroles blessantes et toute l’horreur du monde !

Elle se rappelait encore certains poème ou chanson appris dans sa jeunesse : « Passe le temps et passent les semaines, l’amour revenait toujours après la haine …. Faut-il qu’il m’en souvienne … Sonne l’heure, les jours s’en vont, je demeure » (Apollinaire) même si c’était un peu dans le désordre.

Non, elle n’avait pas oublié non plus les odeurs et les couleurs …. Des fleurs de son jardin, des parfums enivrants dans les flacons de cristal trônant sur la coiffeuse de sa chambre, des pâtisseries de sa mère ou de sa grand-mère …

Même ce mot qu’elle croyait avoir oublié, ce mot pour désigner ce délicieux gâteau doré, croustillant sous les dents et qu’on réservait précieusement dans un saladier blanc garni d’une serviette rouge, dans l’attente d’un invité ou d’un goûter de mardi gras … ce mot n’était en fait que « oublies », petites gaufres soupoudrées de sucre glace à moins que ne soit « merveilles », petits beignets moelleux … Le goût lui en revenait encore à la bouche, l’illusion d’une heure …

« Et le temps ne s’arrêtera pas tant qu’il se trouvera quelqu’un pour se rappeler les avoir oubliés » …. Sur la table de la salle à manger.

Michèle JANOLY – Atelier d’écriture 26 mai 2023
Sujet: l’oubli et le temps

Hommage à mes parents
«Tant qu’il se trouve quelqu’un pour se rappeler les avoir oubliés», il y a de l’espoir. Se rappeler qu’on a oublié, c’est qu’on appartient encore à la vie. C’est l’instant crucial où l’on bascule. Passage de l’âge de la mémoire à celui de l’oubli, immédiat sinon encore lointain. Moment de grande douleur où l’on s’aperçoit que l’on commence à être diminué. Moment de grande souffrance devant l’inéluctable. «Je ne sers plus à rien». L’immobilité s’ensuit et la mémoire des âges disparaît dans l’enfance ressassée. Plus rien n’existe sinon ceux qui sont morts et que l’on croit toujours vivants parce que l’on a basculé dans le temps où l’on n’a plus d’âge. La vie se ferme sur elle-même. La communication disparaît. La reconnaissance de l’autre devient évanescente. Tout d’un coup, on est seul, seul, seul. Plus de vivants sinon ces inconnus. Tous les amis
disparaissent eux aussi, tous sont morts. Il n’y a plus de vie sinon celle d’une ombre perdue. Dernière étape de la vie. Dernier combat s’il en fut. La mort est là qui frappe à la porte. Il est si long de se délester avant d’y parvenir. Tout est fuite au-delà du temps ou en-deçà du temps qui sait. Cela dépend peut-être si on croit à l’éternité, si on croit au pardon. Il est si dur de pardonner. Pardonner cette invisible défaite. Pardonner cette décrépitude invasive. Pardonner à ceux que l’on ne reconnaît plus. Et la mort fait son œuvre lentement, insidieusement. Et le corps, lui, garde la trace des ans, tout fripé et flétri. Où est-elle ma mère? Où est-il mon père? «Chacun a ses fantômes, toute tête est une maison hantée». Maison hantée d’ombres qui se croisent
sans même plus pouvoir se regarder. Les êtres hagards et déformés. Déformée en effet leur personnalité. Il ne reste plus rien que ce corps qui garde secrètement la mémoire d’un personne qui fut un héros ou pas dans la société, qui eut une famille. Tout est oublié. Plus de repère. Seule l’enfance, à l’âge où l’on retombe en enfance. La boucle est bouclée. La vie se vide. Le cœur aussi. Chacun dans son errance. Et, enfin, la mort venue, on se rappelle. «On»: les proches, les enfants, les petits-enfants, les rares amis qui restent et qui ont encore leur tête. On se rappelle et on oublie, on oublie ces dernières années de l’oubli. Et l’on se remémore soit l’amour, soit la haine, soit la communion, soit les divisions et un chemin nouveau s’ouvre avec ou sans partage. L’étape majeure du dernier parent parti et c’est la nouvelle génération qui se trouve face à cette étape où les mots soudain manquent, où on se dit que «tant qu’on se rappelle qu’on a oublié», c’est qu’on est
encore là, qu’on est encore présent. Qu’il n’est pas trop tard et, qui sait, peut-être ne connaîtrai-je pas la déchéance de ma mère ni celle de mon père. Cette dégénérescence qui nous emport si loin. Simplement c’est l’âge, c’est la vieillesse. La mémoire ne fonctionne plus si bien mais on est toujours là et on profite de tous les moments donnés et heureux. «Qu’importe le passé, qu’importe l’avenir, c’est croire qu’elle ne doit jamais finir cette illusion d’une heure». Les jours heureux, y en a-t-il dans toute vie? Peu importe, je jouis pleinement de la vie, «tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir», dit-on. Et si l’espoir disparaissait avec la mémoire? Cette mémoire du futur qui nous happe et qui s’impose tout d’un coup au jour où l’on réalise que tout est fini.
Hélène Y.M.P.

Mars 2023

L’ECHO

Docteur,

J’ai perdu la voix et avec elle son écho. Davantage qu’un chat dans la gorge, c’est parfois un lion qui rugit très exagérément, ou alors un murmure rocailleux qui serait passé par le chas d’une aiguille, ou qui se serait fracassé sur le roulis de quelques pierres, à flanc de montagne, quand il gèle et que le corps tout entier tressaille.

C’est insupportable !

L’écho de ma voix reste coi, voire étonné ou surpris, qui ne charrie plus son flot de paroles. Il reste à la traîne et ne produit plus son effet. Je me replie comme une feuille de papier, un peu usée, un peu jaunie, sans la verve du verbe, défaite et ahurie.

« Ce n’est pas possible ! » raille-t-on autour de moi, comme si je commettais la faute volontaire de cette faille acoustique comme un arc tendu qui retiendrait ses flèches. Serais-je Narcisse se noyant dans un reflet qu’on ne lui renverrait pas ?

Aussi, je préfère vous écrire plutôt que de m’adresser à vous de vive-voix, vous faîtes la fine bouche à chaque fois, vous parlez à ma place pour aller plus vite dites-vous. Il est vrai que les médecins savent tout et que la parole des gens, surtout si elle est amputée de sa réverbération sonore, vous agace un peu.

Comment me faire entendre avec çà, quand l’écho reste accroché à la fin de chaque mot, énigmatique et assourdi, privé de sa réplique et de son halo ?

Quand je suis dans un groupe, je n’essaie même plus de rivaliser avec les voix claires qui traversent le mur du son pour rejoindre celle ou celui qui se trouve au bout de la pièce, à eux les échos ! J’écoute, c’est parfois intense, sensible ou tout simplement grivois. Çà s’échappe parfois, l’écho fuit tel un miroir de soi, quelque chose que l’on ne maîtrise pas et que l’on ne peut pas rattraper. Cà claque, çà hue, çà hoquette, les voix sont fugitives mais leurs échos me restent, je suis à la fête. Je suis la seule à garder le souvenir de leurs claquettes. L’écho est plus fort que le son premier de la voix qu’il réplique à l’envi, c’est l’envers du décor, une fugue, un impromptu, une portée de mots  sur un instrument à cordes, une envolée, un  bruit de ruissellement que ferait un sac de billes  dévalant un escalier.   Je m’éloigne souvent dans ces cas là, j’enfile des perles. Quand la lumière est belle au dehors, j’observe.  Faute de grives on mange des merles, un pis-aller, je me contente du brouhaha à défaut de nouvelles.

Je suis en désaccord avec ma voix quand l’écho me fait défaut et qu’il se bloque à l’orée d’une glotte trop dépliée  pour resserrer ses liens.

Aussi, je triche avec les sons et si ma voix  ne se fait pas suave, je raille ou je déraille, ce n’est pas grave. A la façon des aveugles, je parle en braille, une lueur éteinte à la surface des phrases.  De cette façon, je réussis à déchirer le verbe, je le tords à foison, je fais moisson de mauvaises pensées que je livre à l’unisson : le pire attire  davantage que le meilleur.

Le train change alors l’ordre de ses wagons, la locomotive passe à l’arrière, elle fait un boucan d’enfer, je crie, je vocifère et l’on finit par m’entendre !  Je suis de l’avis général une espèce d’eunuque, je parle faux, je parle mal,  j’ai  une voix de fausset, c’est quoi ce truc !

Le flux verbal prend alors une allure assez singulière, je m’évade ailleurs, ma voix finit par migrer et se fait l’écho du cœur, un charivari que d’aucuns ne devinent, je résonne à l’intérieur.

Voila Docteur que je peux vous dire de mon symptôme. C’est une dysphonie me dites-vous ?  Je dirais aussi l’échographie d’un  chagrin, quelque chose qui ne passe pas, une douleur sans nom, l’écho d’un malheur qui n’a pas trouvé son alter ego, une douleur du passé qui ne franchit pas la barrière sonore de la raison, quelque chose de brutal ou de sec que l’on ne répète pas d’un versant de montagne à un autre :

Un secret.

J’espère que vous ne vous ferez pas trop largement l’écho de mes confidences et que vous saurez rester discret. Je vous prie de recevoir, Docteur, mes sincères  salutations,

Mme G., le 5 Mars 2023

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Echo

Écho, Écho, Écho, es-tu là ? Écho a disparu. Écho est introuvable ! Écho a pris ses cliques et ses claques. Écho a déclaré forfait, elle reprend – de droit – ses sabots, sa bouche, son dos. Elle a pris ses jambes à son cou, elle a sauté la clôture du pré et s’est enfouie dans la forêt.
Pour sa cavalière Archibalde c’est insupportable, sa jument représente sa colonne vertébrale, son âme soeur, son amie de toujours, la perle de ses jours et la perle de ses nuits. En cas de malheur, elle pleure sur son épaule, en cas de bonheur, elle exulte sur son dos lors de folles galopades. Lorsque les nuits sont chaudes, elle dort contre ses flancs enroulée dans une botte de foin.
Archibalde chante sa disparition à tous les échos, elle publie même une annonce dans « l’Écho du village » : « Si vous voyez une jument bai-brun répondant au nom d’Écho, faites-en moi l’écho, elle me manque terriblement ! » Archibalde se met à chercher sa jument partout, elle se rend même dans le Cirque de Gavarnie non loin de chez elle, se plante en haut du cirque et crie  » Écho ! ». Et la résonance de ce cri se répercute telle une onde incantatrice dans tout l’espace du cirque  » Écho Écho Écho… ». Et avant même d’émettre un second appel, elle entend à son tour de l’autre côté du cirque  » Écho Écho Écho », et à nouveau à l’ouest et puis à l’est, tous les promeneurs du site, par jeu, se mettent à crier  » Écho ! ». Cet écho multiple remplit le cirque jusqu’à former un concert d’échos, un orchestre symphonique, un opéra baroque qui fait tourner la tête d’Archibalde. Ce boucan, aussi musical et joyeux soit-il, ne peut rendre possible l’apparition d’Écho, si jamais elle est là, elle sera terrorisée et refusera de montrer le bout de ses naseaux.
Sur le chemin du retour, Archibalde plonge dans une profonde réflexion. Si Écho est partie c’est qu’elle a de bonnes raisons. Malgré leur entente fusionnelle, elle s’est carapatée ; « malgré ou « à cause » se demande Archibalde… La fusion peut être étouffante, et se faire grimper dessus tous les jours sans jamais ne l’avoir demandé, avoir un mors qui blesse la bouche, des mollets qui serrent les flancs, des talons qui cognent les côtes, qui le désirerait vraiment ? Écho a repris sa liberté, comment lui en vouloir ? Avec l’écho de cette pensée qui résonne dans sa tête, Archibalde s’éloigne peu à peu du manque, du ressentiment, de la tristesse, et se tourne lentement vers une forme d’acceptation.
En arrivant près de son chalet, elle croit distinguer une ombre grandissante qui semble l’attendre devant la porte ; elle croit entendre les petits sons gutturaux si familiers, avec lesquels Écho l’accueille chaque jour dans son pré. Plus elle avance, plus l’ombre grandit jusqu’à se fondre à l’obscurité. Et les sons entendus ne sont finalement que le mugissement du vent. Écho a bien repris sa liberté, elle est redevenue l’animal sauvage qu’elle est par essence, avant que l’homme n’ait des velléités de dressage.
Archibalde sourit, son fantôme n’a pas fini de l’habiter.

Anne-Laure

Et un petit acrostiche pour le plaisir :
Écho
Cavalcade
Hélas !
Obédience

Février 2023

« Conte d’une rencontre extraordinaire »

Dans la nuit nébuleuse de cette fin d’hiver, Ludivine se prélassait enveloppée de nuages doux et moelleux. Elle veillait sur la terre peuplée d’une faune éclectique et parsemée d’une flore variée, intense et riche.

Son influence était grande et certains animaux y étaient particulièrement sensibles comme le lapin, la brebis et le loup ! Ceux-ci vivaient dans des environnements complètement différents.

Le lapin se plaisait dans la garrigue et courait se réfugier dans son terrier quand il se sentait menacé. Mais la nuit, il ressortait à la lueur des rayons de Ludivine pour chasser quelque souriceau ou glaner quelques herbes. Il était surtout friand de serpolet qu’il consommait sans modération.

La brebis vivait dans un enclos, à l’abri des prédateurs et se contentait de brouter les verts pâturages.

Elle raffolait de la sauge dont elle faisait une cure à l’approche du printemps. Elle se faisait parfois engrosser par le bouc qui l’attrapait le soir dans la bergerie … Une nuit où Ludivine était pleine, elle mit bas un adorable agneau qu’elle lécha jusqu’au petit jour.

La forêt était le domaine du loup qui habituellement vivait en meute. Mais Abélard, un loup solitaire, avait été rejeté par son groupe et errait depuis des mois parmi les conifères et autres essences d’arbres. Quand Ludivine apparaissait à la nuit tombée dans le ciel d’encre noire, il se mettait à chanter, à hurler même parfois, pour attirer son attention.

Flattée de tant de démonstrations, Ludivine dansait, tournait, se cachait, se rapprochant davantage pour caresser le loup de ses rayons. Abélard se laissait faire et se couchait à ses pieds en signe de soumission. A l’aube, il allait boire au ruisseau où il pouvait encore admirer le reflet de sa bien-aimée et peut-être y trouver pitance si quel qu’agneau s’y désaltérait. L’ambroisie régnait sur les berges laissant pencher ses ombelles vers l’eau vive. Il devait y faire attention car cette fleur était hautement toxique.

Le printemps allait bientôt poindre son nez et les plantes jaillir de terre pour se développer.

Ludivine envoyait ses ondes toutes les nuits et veillait à ne favoriser personne. Aujourd’hui les fleurs, demain les légumes à feuilles puis racines, après-demain les arbres fruitiers et ainsi de suite …

Une nouvelle fleur venait d’apparaître au milieu d’un champ : elle portait des pétales jaunes et de larges feuilles. Elle grandit au fil des jours et des nuits jusqu’à devenir immense, aussi haute qu’un géant. Son cœur ressemblait à un gros gâteau marron, sa robe étincelait comme de l’or et ses feuilles d’un vert vif enveloppaient sa tige élancée.

Ludivine éblouie par tant de beauté la nomma Tournesol. C’est vrai qu’elle lui faisait tourner la tête et que d’enivrantes effluves la chatouillaient, l’empêchant de s’assoupir tranquillement à la nuit tombée.

A la voir de plus en plus excitée, Jupiter qui, jusque-là faisait le mort, jeta un sort à Ludivine et au Tournesol. « Ces deux-là doivent se rencontrer, cela ne pas peut durer comme ça « et ce disant, il lança ses foudres sur la terre. Ludivine en fut toute tourneboulée et se battit toute la nuit avec les éclairs.
Au petit jour, alors qu’elle s’effaçait doucement, elle fut réveillée par un homme qui paraît-il, avait grimpé toute la nuit le long d’une tige de tournesol dans l’espoir de la décrocher du ciel.  Il se nommait Phoebus et brillait comme l’astre du jour. Ses bras étaient rutilants et de son corps émanait une chaleur douce et prometteuse. Ludivine se laissa enlacer par Phoebus et leurs lèvres se joignirent provocant un tourbillon de vent. Puis elle disparût derrière les nuages, jouant à cache-cache avec son amant. Il la couvrit de mille baisers fougueux et la pénétra jusqu’au cœur telle une flèche … .

Neuf mois plus tard, Ludivine enfanta de 9 étoiles toutes plus brillantes les unes que les autres. Phoebus assista à l’explosion et en fut tout chaviré. Ils nommèrent leur progéniture de noms scintillants comme Stella, Galaxie, Alba, Aurora, ….

 Elles irradient toujours par les nuits de pleine lune, en attendant que le soleil se lève !

Surtout, ne ratez aucun rendez-vous, même le plus saugrenu ! Laissez vous guider par les astres dont l’attraction élève les êtres au-dessus de leurs corps.

« Il faut toujours viser la Lune car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles ! » (Oscar Wilde)
Michèle Janoly

Juin 2022

« LA VACHE »

Vous savez, Monsieur, je suis assez contente d’être une vache, heureuse même!

Je suis là dans mon pré, tranquille avec les copines. Parfois je broute dans mon coin, à d’autres moments, on se réunit à l’ombre pour tailler une bavette, allongées sur l’herbe. Les humains, pas finauds, disent qu’on rumine. Mais non, nous échangeons dans notre langue silencieuse.

Tu as vu celle-là, disons-nous quand passe la fille de la fermière, elle fait bien la fière! Elle ne nous jette même pas un regard, à croire que nous faisons partie du décor!

C’est amusant de voir passer les gens. Certains, des parisiens je crois, nous regardent comme s’ils n’avaient jamais vu une vache. Ils disent à leur loupiot : “Comment s’appelle cette grosse bête?” Et le garnement répond :” meuh”. Je ne vois pas le rapport avec nous, mais avec les parisiens on peut s’attendre à tout. D’autres, rarement, s’arrêtent, échangent des regards avec nous, et si je suis assez près de la clôture, me caressent le front. Je me laisse faire gentiment car je crois que c’est bon pour le tourisme, et le tourisme, ici, c’est important!

Mais ce que je préfère, c’est quand passent les trains. Il y en a quelques uns le matin et le soir. Je ne me lasse pas de les suivre du regard, comme des jouets qui traversent le paysage. De temps à autre, surgit un bolide avec un bruit épouvantable, si vite que l’on croit qu’il va quitter ses rails. Il en remue les entrailles de la terre. Il y a aussi des voitures, le camion de la laiterie, mais tout cela tranquille et calme sur nos petites routes étroites.

La pluie ne nous dérange pas trop, surtout que quelques grands arbres, des noyers dit le fermier, parsèment le pré de ci de là.

Ce qui manque maintenant c’est le taureau. Il y a bien longtemps que nous n’en n’avons pas vu. Quand il venait c’était une vraie fête. On était excitées comme des puces, et, joyeuses, on gambadait dans l’herbe! Maintenant nous sommes engrossées dans l’étable. C’est un bonhomme qui effectue le travail. Tu parles d’un plaisir!

De temps en temps on nous change de pré. Quand l’herbe devient très rase à force d’être broutée, sans attendre, le fermier nous emmène à côté. Quelle orgie de trèfle, de graminées, les premiers jours!

Franchement la vie ici serait belle si de temps en temps il y avait le taureau! Mais enfin, on fait comme les humains, on apprend à se contenter de ce que l’on a!

La fin de nos vies était autrefois attristée par la perspective de l’abattoir. Cela nous hantait! On disait que certaines souffrait le martyre avant d’être abattues : dans le camion, puis à l’arrivée et ensuite jusqu’à la fin.

Mais il paraît que ces horreurs sont terminées, que maintenant on est euthanasiée dans de bonnes conditions.
– Dis, Raymonde, comment s’appellent ceux qui s’occupent de nous?
– Je te l’ai déjà dit : c’est l’association L 214.
– Si vous les voyez, Monsieur, dites leur bien que très sincèrement nous les remercions!

Guy Dumélie

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« La condition des vaches »

Quand je pais, en paix, dans les prés et que j’émets des pets en regardant passer les trains, quand je rumine ou quand je fulmine, quand je fabrique mon lait, qui jamais s’émeut de ma condition de pourvoyeuse de mets pour l’humanité entière ? Je viens de loin. Auroch jadis, libre et fière, me voilà domestique, avilie, exploitée, prisonnière aujourd’hui de la technique. Je suis traite avec des machines, d’un mouvement de doigt sur un clavier, hors de la présence des humains. On me lave les pis à coup d’antiseptiques, on ne me touche plus, on ne me chérit plus. On m’enlève mes petits dès que je les ai mis bas et je les entends pleurer. « Pleurer comme un veau » dit-on pour un humain très malheureux.  Certains d’entre eux, plus tôt qu’à leur tour, s’en vont à l’abattoir dès qu’ils ont pris quelques kilos et qu’ils sont si beaux. Le ballet incessant des bétaillères dans la cour me donne la chair de poule, à quand mon tour ?

Pour l’humanité je donne tout, mon lait si souvent et fortement tiré, ma viande, ma peau, mes tripes et mes sabots. Tout y passe, on cuisine mes mamelles, ma cervelle, on me décarcasse, on se débarrasse de mes derniers restes dans quelque charnier que des chiens ou autres bestioles auront tôt fait de dévorer.

Aussi, quand je vous pète à la gueule, que çà fait du gaz et que çà pollue, demandez-vous pourquoi vous avez fait de moi un produit industriel, une non-espèce animale, enfermée dans des stalles, de plus en plus rarement à l’air libre pour goûter l’herbe des champs. Vous vous trompez, je n’aime pas les pâquerettes, je préfère le trèfle, à quatre feuilles, on ne sait jamais si çà portait chance. Laissez-moi faire et je nettoierai vos terres, je laisserai les fleurs aux abeilles, je vous donnerai votre pitance parce que je vous aime, vous et vos enfants qui jadis se léchaient les babines de l’or blanc des collines. Aujourd’hui on me stérilise, je ne vois plus le taureau, on m’ensemence avec des gants en plastique. L’insémination est artificielle, on me sélectionne, je ne vois plus personne, je me reproduis selon vos critères de rentabilité.

Je ne regarde plus les trains, ils vont trop vite, je broute si rarement que les voyageurs savent à peine qui je suis. On me voit dans les foires ou les fermes pédagogiques, les écoliers me découvrent comme une curiosité. On me trouve aussi dans les laboratoires. Savez-vous d’où vient le mot vaccin ? Il vient du mot « vacca »,  la vache en latin. Le mot vaccin vient de là quand on découvrait que je pouvais vous immuniser de vos maladies contagieuses. Un jour je suis devenue folle, vous m’aviez donné de la viande avariée et même du pétrole à manger. Mes quatre estomacs je vous le dis, n’ont pas apprécié ! Il ne faut pas jouer avec la nature. Je suis l’un des êtres le plus ancien sur cette terre, avec les vers ou les serpents, ou les moustiques peut-être.

Pourquoi transformez-vous les hommes en chair à canon et transformez-vous les vaches en usine à biberons ? Je devrais vivre 20 ou 25 ans en moyenne, je disparais en moins de huit, grâce à vos bons soins, bien moins pour les veaux, bien moins si je me blesse ou si je suis malade.

Je rêve d’un pré, je rêve d’une rivière ou je pourrais tremper mes naseaux dans une eau claire sous un chêne centenaire, à flanc de coteau. Vous pourriez, comme vos arrières grands pères, approcher doucement votre tabouret pour vous asseoir sous mes seins, me caresser le derrière et je vous donnerai sans compter le lait de la terre. Un jour, quelques unes de mes congénères on sauté la barrière et se sont retrouvées sur la voie ferroviaire. Depuis, les clôtures ont électriques. Le rêve de liberté s’est arrêté là.

Je vous raconte l’histoire d’une vache qui parle à l’oreille des hommes,

Personne ne s’y attache, je suis une bête de somme.

Chantal Nauleau Gantier
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« Le papillon »

Je suis le papillon qui volette sans cesse dans l’air pur.
Oui, je signifie ou non la qualité de l’air.
J’accuse en effet l’univers entier de cette universelle pollution qui a failli m’exterminer.
Mais je renais ici ou là lorsque le soleil affleure.
Je suis la joie des humains, joie pour plusieurs raisons, joie parce que je les accompagne sur les chemins, papillonnant ici ou là, effleurant les fleurs, joie de l’émerveillement devant mes couleurs diverses, flamboyantes ou nacrées, vives ou pastelles, joie parce que je signifie le côté non seulement éphémère de la vie ce qui serait plutôt triste mais le côté fantaisiste de la vie, peut-être même désinvolte.
Je vis de peu et de rien, je suis juste décoratif, je ne sais que faire plaisir aux yeux, aux enfants, je suis le modèle du touche à tout, je suis le symbole des éternelles vacances où l’on papillonne partout, je suis artiste, sans cesse nouveau, sans cesse reflétant la lumière du soleil.

Le matin, je ne suis pas le premier levé, j’attends une certaine chaleur, j’attends que les rayons du soleil chauffent. Je sais vivre, moi, au contraire de ces hommes qui travaillent comme des fourmis jour et nuit. Non, j’ai mes heures, j’ai mes lieux.
Les hommes se trompent quand ils me déconsidèrent.
Il n’y a rien de futile dans la vie.

La gratuité de la vie et de la nature est par contre une nécessité vitale. Si les échanges entre les humains en prenaient de la graine au lieu d’évaluer et de chiffrer sans cesse toute chose, tout évènement, cela changerait la face du monde!
Voilà à quoi je sers. À réjouir, à émerveiller, à accueillir ce qui est donné, à être simplement heureux de vivre, à être heureux d’être libre quand on a la chance de l’être ce qui, il faut bien le dire, est loin d’être le cas de beaucoup dans le monde.
J’appartiens à la nature-mère, à la Terre-mère et je rappelle sans cesse ce don, cette vie, cette lumière, ce repos que les hommes méritent et dont ils ne profitent pas toujours assez dans leur course au profit et à l’efficacité.
Léger comme un papillon.
Oui, je signe ou non les progrès écologiques, je signe ou non, comme les hirondelles aussi d’ailleurs, l’urgence climatique, la qualité de l’air, où en est le réchauffement de la planète.
Ma vie se passe à faire plaisir gratuitement et j’en profite moi-même. C’est ça qui est merveilleux.
Je suis recherché pour mes espèces rares, certains essayent de m’attraper pour en faire des collections. Mais ce n’est pas une bonne idée.
Il faut me laisser vivre pour illuminer la terre, pour voir s’épanouir le sourire de l’enfant à mon passage. J’échappe à son filet mais s’il m’attrape, il faut qu’il me relâche, que j’émerveille encore l’univers sous le soleil.
Oui, hommes, cessez de vous plaindre, cessez de revendiquer, contentez-vous de ce que la nature donne, regardez-vous un instant les uns les autres, non comme chiens et chats, mais au contraire pour retourner vos cœurs et faire attention les uns aux autres avant tout.
La vie peut être si simple, si belle, si lumineuse. C’est ça que je défends, j’illumine le moindre lieu de tristesse, je le change en émerveillement et chacun sait que l’émerveillement est le principe de la philosophie.

Voilà je l’ai dit, être un papillon, contrairement à ce qu’on croit, c’est une question de philosophie!

            De philosophie de la vie!

            …D’amour et d’eau fraîche!

            …Là, voilà!

            …Tout est dit!

Hélène Y.M.P. B

Mai 2022

Lecture : Les Inrocks. Leïla Slimani ; Santiago H. Amigorena
La consigne : décrire le pays dont vous rêvez, fictif, réel, sf, idéal ou autre, donner un titre au texte

« Un pays comme un rêve » par Karine

Le pays dont je rêve, je le transporte avec moi.
Il est dans mes micro-siestes, mes absences lorsqu’on me pose une question qui me dérange, mes silences face aux remarques qui me sont désagréables, mes sourires en coin face aux postures abusives ou déplacées.
Il est dans ma sidération quand je suis confrontée à de l’inconcevable, inconcevable pour mon éducation ou dans ce que ma nature profonde me dicte.
Mon pays rêvé, je le cache au fond de mes cellules, dans le goût que j’ai ou n’ai pas pour les choses de ce monde, dans mes papilles comme dans ma mémoire enfouie et oubliée.
Il se révèle au détour d’un chant, d’un cri d’enthousiasme ou de rejet ou dans une paralysie soudaine et transitoire provoquée par une parole, un geste ou la vue d’un objet.
Le pays dont je rêve n’existe pas, mais j’ai dû apprendre à l’apprivoiser. Il est fait d’émotions, de fantastiques réminiscences de paysages que je n’ai jamais connus mais dont j’ai toujours rêvé, même quand je ne le savais pas.

Il est fait d’autres scènes, d’autres temps, qui ne se reproduisent pas.
Parfois, je l’aperçois, évoqué dans un film ou un roman, dans une phrase, une photo, ou le devine dans la saveur d’un met, le fumet d’un plat, le parfum d’une fleur ou le goût d’un fruit.

Il me donne rendez-vous là où je ne l’attends pas, dans une fraction de seconde qui ne dure pas.
Il se laisse découvrir lors de recherches concentrées dans des périodes où je peux me réfugier hors des lieux, hors des temps.
Son appel est furtif, mais il a la force d’un « reviens-y, quand tu pourras ».
Et quand ce moment vient, il me faut soulever des pierres, enlever des draps, entrouvrir de lourds battants, écarter d’opaques voilages et creuser des sillons, comme un historien et un archéologue affrontent des documents, des paroles et des sols pour retrouver les traces d’un supposé réel.
Le pays dont je rêve appartient à un passé que je n’ai pas connu, il a été arraché aux souvenirs des récits que je n’ai pas entendus, dont l’écho me rattrape malgré moi à chaque moment gagné de paix.
Il est la terre perdue qui, aujourd’hui, de nouveau, s’entretue.
Il est celui de l’âme qu’on n’ose plus nommer russe.

Karine Yakovenko Duteil
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« Rêve-je ? » par Catherine

Je me souviens d’une lointaine époque. Dans ce temps-là, chaque jour le journal annonçait son lot de mauvaises nouvelles, plus ou moins graves, toujours déprimantes et quasi sans plus de brèves joyeuses. Les temps étaient sombres !
Bien installée dans mon train-train quotidien, entre travail et loisirs divers, épargnée par les pandémies, le racisme, les guerres, la montée des flots, le sans-abritage, le manque de pluie, les inondations et les pizzas pourries, je vaquais en silence.
Mais je ne rêvais pas, je cauchemardais ! Chaque matin il pleuvait des catastrophes, il pleuvait dans mon cœur et le plus douloureux n’était pas de prendre connaissance de ces sinistres évènements, mais de ne savoir qu’en faire ! Point de remèdes et les solutions semblaient si utopistes. Les Homo sapiens sapiens (parce qu’ils savent tout deux fois), étaient si irrémédiablement incorrigibles et bornés.
Alors vint le moment où, hésitant entre le suicide audiovisuel sous perfusion de Saint-Rieul et les anti-dépresseurs, je décidais de vivre dans un pays de rêve !
J’abandonnais le journal et autre média, je commençais ma quête des bonnes voire excellentes nouvelles ! Je triais sur le volet, je recherchais les perles rares, les années passaient :
Comment une mousse de coton est utilisée dans le monde entier pour récupérer les débordements pétroliers anarchiques (véridique). Une lecture étonnée sur le blob, être vivant quasi immortel, sans cerveau mais capable de résoudre des problèmes complexes (véridique aussi). Observation d’humains et de leur stratégie pour économiser la planète, ses ressources et vivre heureux. Fugace papillon voletant dans le jardin, bourgeonnement toujours renouvelé de la nature, progrès de la médecine, augmentation du nombre de cagnottes virtuelles, levées de fonds pour construire des puits dans le désert, des capteurs solaires, des vélos à voile… Mobilisation des foules, pouvoir électronique, bureaux de vote désertés… tout évolue et soudain les présidents, les députés, les sénateurs et autres huiles et élites ont perdu leur légitimité. Tous dégagés ! Obligés de renoncer à gouverner pays et entreprises, leurs ruines personnelles seront les fondements du renouveau ! Réflexion mondiale collégiale, décisions urgentes et globales et solutions radicales : Le monde marche, coure, pédale, se végérarionise, se contente de peu et est content de soi et moi… je vais beaucoup mieux !

Catherine
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« Le rêve d’un voyage à l’envers » par Chantal

Je voudrais faire le voyage à l’envers de mon enfance, au pays de mon père qui cultivait la terre. Rêver que çà recommence, que chaque jour brille d’un éclat pareil au soleil qui se lève au petit matin, brume dans les yeux, tiédeur de l’édredon, crépitement des flammes, repas déjà qui fume pour nourrir les hommes. Les femmes, je l’ignorais alors, reproduisaient depuis des millénaires les gestes de la survie. Elles chantaient, elles me berçaient, et moi j’ignorais quelle abnégation était la leur. Je rêvais que cela ne cesse jamais, que je reste dans leurs bras l’unique héritière d’un bonheur que je croyais tranquille et sempiternel. Je rêvais de les remplacer, de devenir à mon tour des fondatrices de légendes ou des spécialistes de tartines beurrées, salées de préférence. Un doux mélange de traditions et de promesses d’un futur annoncé. Quand je me suis réveillée dans une HLM de banlieue, le ventre creux, avec en poche le rêve de ma mère qu’il fallait s’instruire pour devenir quelqu’un dans la vie, j’ai changé de braquet. Le rêve avait les couleurs glauques des pans gris des murailles toutes pareilles, du côté de Saint Denis. Je voulais tenir bon, tenir ma promesse de réussite mais je n’entendais plus rien des coqs de basse-cour, du cri des laies dans leurs soues,  des oiseaux dans leurs nids, du meuglement des vaches, ni les aboiements annonciateurs de visiteurs qu’émettaient les chiens joyeux et vigilants. Je ne voyais plus rien de la belle étendue de nos champs quasiment incultes mais au moins, disait mon père, on est propriétaires. Il a tout vendu pour le rêve de ma mère, déménager, quitter le vent, la mer et les terres, envoyer les enfants à l’école.

J’ai du me tromper de porte ou me tromper d’époque ou me tromper de rêve. Çà ne sonnait plus pareil les cloches de l’église, même si à Saint Denis on les entend. C’est plus bruyant. La douce mélodie à mes oreilles de la procession de la Vierge quand tous les paysans du canton se réunissaient, mâtines allègres marquant l’évènement, ne fait plus recette. J’aimerais bien revenir en arrière, retrouver mon rêve d’antan. Marcher aux côtés de grand-père dans les ornières des chemins menant aux champs, avec Bijou, le cheval de labour qui hennissait différemment selon les saisons. Il n’aimait pas l’hiver. Moi si, à cause des friandises et du petit Jésus qu’on priait pour que se réalisent nos rêves de gamins.

Dans la tour d’immeubles au 14ème étage, là où le loyer était le moins cher, j’ai arrêté de rêver. « Tu vas y arriver », répétait ma mère. J’ai tout plaqué un soir d’hiver, comme Bijou qui n’aimait pas trop le brouillard. J’ai jeté mes cahiers. Ma mère pleurait et mon père disait « çà ne fait rien, vas, les rêves des riches c’est trop gros pour nous. T’en fais pas ma gamine, regarde autour de toi, mange la beauté. » On n’aurait pas dit mais il parlait bien mon père, il aimait les belles choses. S’il rêvait c’était de moi, quel plus beau bagage pour partir ?

J’y pensais tous les jours sur la route de mes voyages quand je suis partie vers le sud, là où il faisait beau tout le temps, pour que grand-père qui avait perdu sa jambe à la guerre, et pour Bijou qui n’aimait pas l’hiver,  n’aient plus jamais froid.

Mes plus beaux rêves furent ceux là, la liberté dont je ne savais  que faire mais qui pleuvait dans la mer. Mes cahiers quand même j’en avais emporté quelques uns, j’écrivais. Je rêvais d’autre chose et çà piquait les yeux. Je pensais à mon père qui disait que la beauté n’avait pas de prix. Je rêvais et je crois bien que depuis, je suis toujours endormie. C’était çà l’écologie, vivre de rien, rêver que tout est possible, et que Grand-père n’aurait jamais fait la guerre.   Chantal Nauleau Gantier –  5 mai 2022

Février 2022

Voici quelques dessins qui ont été réalisés par Eléna lors d’un atelier autour d’une légende à rédiger.

Sujet : la légende
Les hérauts inter-galactiques
Un peuple légendaire s’avance du fond des âges, du plus profond de la nuit des âges,
longue cohorte chevelue et poilue enchaînés les uns aux autres. Long peuple qui s’étire tel les
chenilles processionnaires en longue file mortifère. Ce peuple est long, démesuré, ni homme ni
femme, très hauts et très grands, ni humain ni divin à la limite des deux. Ces êtres invisibles au
monde, dégagent des ondes verticales et horizontales, en tous sens pour se diriger à travers l’opacité
des airs qu’ils traversent et qu’ils créent en même temps autour d’eux. Ils sont à la recherche,
pourrait-on dire, d’une sorte de graal qui les délivreraient de leurs chaînes et leur permettrait de
vivre et s’épanouir. Ce graal aurait l’aspect d’un diamant unique au monde, noir bien sûr et
totalement transparent.
Ces êtres contre nature ne savent absolument pas où le trouver. Ils sont en errance
continuelle dans l’atmosphère mortifère qu’ils créent au fur et à mesure qu’ils avancent dans
l’espace interstellaire, effleurant bien souvent la planète bleue sans pouvoir sans pouvoir pénétrer
dans son atmosphère car là, un être plus étrange encore, sorte de demi-dieu, ayant forme d’une
colonne d’énergie lumineuse et transparente, leur barre l’accès au monde terrestre et donc à la
possibilité de trouver la pierre qu’il détient cachée dans une caverne connue de lui seul. Avec ses
pouvoirs énergétiques, il a en effet obstrué la caverne avec toutes sortes d’herbes essentielles ayant
pouvoir de repousser toute tentative d’approcher sauf à celui qui connaîtrait la formule magique qui
les ferait s’écarter. Cette formule, elle, est détenue par un autre être monstrueux, celui-ci vivant à
des années lumière au fond d’un trou noir aspirant et producteur d’une énergie concentrique
extrêmement rapide, très difficile à attraper. Ce peuple légendaire, appelons-le les hérauts de la
galaxie XB1, car ils l’ont traversé avec beaucoup de courage et d’acharnement, se voit repousser
par le demi-dieu Archibald4. Ainsi il est condamné à l’errance glaciale inter-galactique.
Or, au sein d’un centre de recherche international dans un désert montagneux de la terre,
un désert que nul ne connaît sauf ceux qui y travaillent en autarcie complète, vivant la nuit pour
observer les étoiles et les galaxies dans la large coupole de leur observatoire tout en haut de la
montagne dans l’air le plus pur de la terre avec un télescope géant de plus de trente mètres de
diamètre, se trouve une équipe de chercheurs avec, entre autres deux jumeaux, un homme et une
femme, les plus jeunes de l’équipe, les plus doués aussi, fonctionnant en intelligence double
gémellaire par rapport aux autres individus, d’où leur capacité à saisir des choses inédites. Maha et
Muho étaient justement en train de s’interroger sur ces traces d’atmosphères créées par les hérauts
de la galaxie XB1 sur leur passage. Maha et Mohu ne pouvaient voir les hérauts invisibles mais ils
avaient réussi à saisir les traces d’atmosphère. Ils pouvaient ainsi suivre à la trace le peuple
légendaire venu du fond des âges et voyaient que ces traces se heurtaient à un obstacle à la limite
extérieure de l’atmosphère terrestre. Ils percevaient là une énergie repoussante sans déterminer son
origine.
Maha et Mohu entreprirent un projet spatial pour aller examiner cette énergie. Des
hommes partirent et revinrent sans succès. Ils avaient été irradiés par l’énergie aveuglante
d’Archibald4 sans le voir. Mohu et Maha continuèrent leurs recherches et se demandèrent comment
prendre cette énergie de dos ou mieux l’encercler pour la circonscrire à l’intérieur d’un maillage
anti-filtrant. Mohu avait une admiration sans borne pour sa sœur Maha. Il savait qu’elle trouverait la solution et était sûr qu’elle seule pouvait la mettre en œuvre. Seulement il fallait convaincre le directeur de recherche de la laisser partir pendant que Mohu resterait aux arrières de l’observatoire
pour lui communiquer par télépathie les données nécessaires. Maha était une fille extrêmement
belle, très intelligente mais aussi très douce. Elle tenait cette douceur de son frère qui l’entourait
toujours de mille prévenances. Maha put, après beaucoup de pourparlers, partir avec le dernier
Soÿouz et contourner l’énergie Archibald4 pour la maintenir dans ses filets. Archibald toma
évidemment sous le charme au fur et à mesure que Maha décryptait la possibilité d’entrer en
communication avec lui grâce aux ordinateurs de Muho qui recevait toutes les informations, les
transformait et les renvoyait par télépathie. Archibald4 devant la beauté, l’intelligence et la douceur
de Maha ne put cacher plus longtemps son secret et le confia à Maha.
Il restait beaucoup à faire, trouver le trou noir du monstre T-7 pour obtenir la formule
magique et trouver la caverne du diamant noir. Maha se trouva aspirée par l’énergie d’Archibald4 et
s’unit à lui, elle multiplia ainsi son énergie et la communiqua à Muho qui travailla jour et nuit pour
trouver le trou noir T-7. Maha, elle, restait dans l’énergie d’Archibald accumulant les réserves de
lumière nécessaires au voyage interstellaire vers le trou noir dès que Muho lui en avait donné les
coordonnées. Il fallait faire vite car Muho voyait les traces d’atmosphère des hérauts de la galaxie
XB1 se perdre de plus en plus loin. Enfin, Maha pu partir. Elle n’était pas seule, devenue elle-même
inséparable d’Archibald4 leurs deux énergies se confondant totalement. Maha compensait l’énergie
rayonnante d’Archibald et la neutralisait par son extrême douceur. Ils pénétrèrent dans le trou noir
dont l’énergie accueillit la leur. Ils mirent un instant parmi des années lumière à pénétrer le secret
de T-7. Les informations arrivèrent via Maha à Muho qui calcula la formule magique à partir des
données recueillies auprès du monstre invisible mais curieusement sonore.
A nouveau il fallait faire vite, le monstre essayant s’aspirer Maha dans son tourbillon
fantastique, voulant l’arracher à Archibald4. Maha luttait prodigieusement. Muho était sans cesse
connecté à elle et l’empêchait de se laisser entraîner. Il eut raison du monstre grâce à la double
intelligence de Maha enforcée par l’énergie d’Archibald. Maha et Archibald s’arrachèrent de T-7 et
revinrent à la surface de la terre. Sur leurs traces purent se déplacer les hérauts de la galaxie XB1.
Maha communiqua la formule magique à Muho qui fila au désert, trouva les plantes, ouvrit le
passage et trouva le diamant. A la constellation d’Orion, tous se rejoignirent en haut de l’Himalaya,
la montagne la plus haute, pour accueillir les hérauts et les délier grâce au diamant. Un instant ils
devinrent visibles, splendides, et repartirent chacun droit devant soi dans le monde interplanétaire.
HYMP

«C’est à la tombée du jour que se produisent les choses les plus intéressantes car alors les différences s’estompent »
C’est alors que l’on confond
C’est alors que l’on meurt
C’est alors que tout disparaît 
dans la nuit crépusculaire 
À la tombée du jour chaque jour
À la tombée du jour de ma vie
À la tombée du jour de ta vie 
dans la nuit crépusculaire 
où tout disparaît et s’enfouir dans le néant 

«C’est à la tombée du jour que se produisent les choses les plus intéressantes car alors les différences s’estompent »

C’est le moment de la fusion 
C’est le moment de la communion 
communion des corps 
communion des esprits 
communion sans confusion 
où tout s’estompe 
dans l’unité de la chair
dans la nuit crépusculaire 
où s’enfuit le jour

«C’est à la tombée du jour que se produisent les choses les plus intéressantes car alors les différences s’estompent »

Nuit des sens
Nuit de l’esprit 
Nuit douce et voleuse 
Nuit durable
jusqu’à la fin des temps 
Nuit où l’on meurt
chaque jour 
pour renaître encore 
à l’aurore du jour nouveau 

«C’est à la tombée du jour que se produisent les choses les plus intéressantes car alors les différences s’estompent »

Où es-tu?
Qui es-tu?
où vas-tu?
où me mènes-tu?
Toujours tu vas
au-delà des nuits
vers l’aurore 
des jours inconnus 
Va, fuis mon bien-aimé 

«À la tombée du jours se produisent les choses les plus intéressantes car alors les différences s’estompent »

Me connais-tu?
Quand te connaîtrai-je?
Toujours tu vas
pèlerin inlassable 
de l’inouï
Toujours tu vas
Aux confins de l’esprit 
Toujours tu es là
sans être là aussi la nuit

«À la tombée du jour les différences s’estompent »

Quand?
Quand?
Quand te connaîtrai-je?
Toujours tu disparais 
dans la nuit confuse
M’abandonnant
à mon âme abandonnée
M’abandonnant 
à moi seule esseulée 

Sans fin je t’attends 
Sans fin tu es là pour moi
Sans fin tu m’enivres
de tes parfums 
Sans fin tu m’enivres
de tes discours 

Sans fin tu m’en ivres
de tes enlacements 
dans la nuit d’antan 

Sans fin je t’attendrai 
Sans fin pour toi je mourrai 
Sans fin, sans fin, sans fin
dans la nuit crépusculaire 
dans la nuit 
où tout se confond
dans la nuit 
où tu disparais 
dans la nuit d’un seul jour…..

«Je pourrais très bien vivre dans un crépuscule sans fin »

Hélène YMP Bonnet

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Septembre 2021

Ecrire un bain ou une baignade, seul ou pas, érotique ou pas. Faire fonctionner tous les sens et terminer le texte par la phrase « .. et le silence définitivement revient ».
Textes lus par AL : extraits de Novalis F.L. v.Ardenberg / texte de Sylvain Prudhomme.

« Souvenir de jeunesse » par Catherine

Nos sacs de voyage aussi minces que nos portefeuilles l’étaient, furent vite préparés et rapidement jetés dans le coffre de notre vieille Corsa. Une bouteille d’eau, quelques pommes suffiraient à un gouter improvisé en cours de route. Nous les avalerions en même temps que les kilomètres ! Joyeux, heureux, le voyage se déroulerait bien.
Arriver en soirée, dénicher un petit camping au détour d’une route de montagne. Nous montâmes la tente dans le noir, chichement éclairés par un lointain croissant de lune. L’épicerie du camping nous fournit le diner et le sommeil fut réparateur, profond en pleine nature, au creux de la vallée, à peine troublé par quelque petit rongeur de passage.
Un rayon de soleil sans doute me réveillait. Doucement je quittais la chaleur de la tente, dans l’espoir d’apercevoir peut-être encore un peu le lever de l’astre. Mais quelle surprise ! Proche de notre logement de toile, je découvre un grand lac. Noir, imposant, profond. Sa surface lisse autorise les monts alentours à s’y refléter, admiratifs de leur arrogante hauteur. Le Lac ! Sa berge herbeuse, une fine bande de graviers s’avançait en douceur jusqu’à toucher l’eau noire et tranquille. J’ôtais mon t-shirt, mon caleçon-pyjama, j’ôtais tout ! Le camping dormait, il n’existait plus. Nous étions seuls, moi et l’eau ! Elle m’attendait depuis toujours, d’une patiente immobilité. Elle n’était pas jalouse du bain, ni de sa mousse trop parfumée. Elle n’enviait jamais la mer non plus, trop vaste sous un ciel trop plat. L’eau du lac en majesté ! J’y entrais comme dans un rêve, un doigt de pied d’abord, pour tâter, puis le pied tout entier, chatouillé par les petits graviers, frétillant de joie. Lac parfait, sans vase !
Ensuite le pied droit s’y risque, l’eau froide saisit mes chevilles, enserre mes mollets, comme une prise de possession absolument consentie. J’avance doucement, la surface de l’eau se trouble à peine. Je frissonne un peu à son contact sur mes hanches, je me jette, soudain, lorsqu’elle atteint mon nombril. Tout entière. Le lac m’accueille, je bois son eau. Je n’ai pas froid, je nage, je glisse dans l’eau, l’eau m’enrobe. Tout devient lent et paisible, mon cœur, ma vie. Seuls mes yeux et mon nez dépassent. Les montagnes nous regardent et je les remercie de donner sa teinte sombre au monde liquide. Le soleil est loin, je me sens eau, je me sens fille de l’eau noire. Comme plongée dans un puits sans fond, une matrice. Ce n’est pas une baignade, mais plutôt une fusion.  L’eau m’accueille et je l’absorbe avec bonheur, hostie bien réelle, je la goute, et je goute toute sa vie de lac de montagne. Je la respire et tous les ruisseaux, toutes les pluies de sa vie sont en moi. Et le silence définitivement revint. FIN.

Une petite description, un lieu réel ou imaginaire à visiter, que vous écririez au conditionnel.

A l’horizon… de grands arbres, la campagne, verte, herbe grasse et haies basses, le bocage. Assise dans la voiture je regarderais brouter les vaches noires et blanches, virage après virage. La route nationale deviendrait départementale, puis chemin, lui aussi serait bordé de haies.

Déjà l’œil reconnaîtrait les parages et le portail soudain se présenterait à nos yeux. Immense, la rouille l’habillerait, sa vision contrasterait fortement avec ce qu’il enclot : L’herbe verte, le sentier caillouteux accompagné de quelques fleurs lumineuses.

 

Ce sentier nous mènerait gaiement en bas d’un escalier de bois accolé à la droite de la maison. Les marches en sont larges, les planches épaisses, d’un marron noirâtre. En haut un petit palier nous accueillerait, lui aussi tout de bois, abrité par une avancée. La porte, en bois également, s’ouvrirait sur une longue salle à manger éclairée sur sa gauche par une série de hautes fenêtres.

 

L’œil ne saurait où se poser, le nez reconnaitrait les odeurs habituelles des vieux fauteuils et de bonne flambée. Le désordre règnerait en maître !

 

Piles de livres, table encombrée d’objets divers, journaux, vases et j’en passe. Sofa enfoui sous les jetés de canapé, tableaux champêtres, photos de taureaux, bêtes de concours dont les noms et les 1er prix des concours agricoles seraient oubliés depuis longtemps. L’œil se régalerait de toutes ces évocations et promesses de découvertes, tandis que l’esprit un peu contrit, oserait brièvement imaginer ce que serait ici un peu d’ordre et d’harmonie.

 

La pièce suivante serait minuscule, une antichambre de l’escalier, celui qui mène aux chambres. L’antichambre cependant se voudrait frimeuse avec son piano à queue vernis et toujours et encore, du bric à brac, des vieux journaux.  Les piles formeraient des haies, image domestique du bocage extérieur.
L’escalier, un roman, de nouveau des odeurs de vieux bois patiné. On atteindrait l’étage enfin, un long couloir avec ses hautes fenêtres en enfilade sur la gauche et en vis-à-vis, les portes des chambres, sur la droite. Les chambres seraient minuscules, une petite salle d’eau vieillotte, luxe de manoir, est adjacente à chaque chambrette. Baignoire en fonte émaillée, petit lavabo.
Une envie me prendrait de m’installer dans ce lieu, mon nid y serait douillet, ce serait mon petit paradis 😊

Ecrire un texte avec des mots en « con » ou « com »

par Hélène

Une drôle de façon de se comporter ! La composition du gouvernement lors du confinement général des confins du Congo en concertation avec tous les compagnons et comparses du chef de l’état ne lui conféra aucun conseil ! En conséquence, il se comporta de concert avec sa compagne et collègue, en conversation de stricte contradiction, et envoya tous ceux qui étaient contre en camp de concentration. Impossible d’opérer une conversion ! Le comble fut la confirmation du conciliateur en conciliabules avec ses coreligionnaires ! La comparaison confidentielle consola tous les connétables, commis, commissaires et compagnies. Une conférence de conspirateurs contre ce comportement réunit toute la contrée. Le congrès tint conseil consentant à cette congrégation consensuelle dans un grand confort de convergences complexes. La convivialité de cette conversation fut complète et permis de contrer la conduite du-dit chef du Congrès. Ce fut une concurrence acharnée. Chacun y apporta son concours. Un convoi fut envoyé contre les conseils des combattants, tous des cons !

Ce fut une belle composition de constellations ! Constamment, nous considérons de tels constats au Congo au contraire de ce qui se passe à Compiègne. 

Quelle consolation !

Hélène

Texte de Chantal

Contribution concise retardée, mais contaminons-nous du virus de l’écriture pour aller sur le chemin choisi…
Concitoyens, concitoyennes, confinées, confinés….
Considérons ensemble cette communion actuelle à laquelle nous sommes confrontés, constitutive au trajet de l’histoire récente qui nous a menés là où nous sommes aujourd’hui…..
Considérons la conscience que nous en avons…
La construction conçue depuis maintenant des décennies et la conséquence concrète qu’elle contacte dans nos vies….
Nous avons le temps de la contempler, de la comparer, de la conceptualiser, de s’en convaincre, d’en convenir , de la comprendre, de la confronter, de la considérer, de la communiquer….
Nous avons le temps d’en sentir la contractilité, la consistance, la congestion, la constitution….
Considérons maintenant, que nous serions tous des  » cons  » ?
Choisissons de nous questionner sur ce que nous voulons nourrir dans notre vie pour nous des(con)finer …et restons confiants….

Chantal

Mes chers cons
par Anne-Laure

Mes chers concitoyens, mes chères concitoyennes,

En tant que présidente de la Rép-pression, je vous informe que je vous confine aux confins de votre cocon pour une durée non-confirmée.

Vous êtes confinés pour constater toutes vos con-neries, et vous êtes contaminés :
ultra-consommateurs, ultra-conservateurs, ultra-compétiteurs, ultra-conducteurs, ultra-comploteurs, ultra-condescendants, ultra-compresseurs, ultra-concasseurs, vous êtes tous complices !

Je ne vous complimente pas pour votre conduite ô combien consternante !
Je vous conjure désormais, chers concitoyens, chères concitoyennes, de confesser votre conscience, de conspuer vos compétences et de compoter vos déconfitures, finies les confiseries ! l’heure est à la compassion et au CONTRÔLE !

Compagnons, compagnonnes, l’heure est grave, je suis confuse mais confiante, et je compte sur votre consentement pour congeler vos consternations et consolider vos consolations.

En conclusion, chers condors, confinez-vous au fin fond de vos confidences et de vos contritions,
je vous souhaite à tous une bonne CONSUMATION,

A bas la liberté, à bas l’égalité, à bas la fraternité !

La présidente de la Rép-pression, mars 2020

Ecrire un conte avec les mots virus, confinement, super spreader, asymptomatique, quatorzaine, gouttelette respiratoire, geste barrière + ingrédients du conte (penser à pays inconnu (Utopia ou autre), objet magique, rencontre d’autres personnages, épreuves à traverser, destination finale, dénouement, morale de l’histoire…)

Conte de Guy
En ce temps-là Dieu était fatigué des hommes. Très fatigué. En fait il ne les supportait plus depuis longtemps, depuis très longtemps (enfin si l’on peut s’exprimer ainsi, Dieu n’est pas sensible à la durée : il est partout, toujours et maintenant). Il n’avait connu que des déconvenues, des déceptions avec ses créatures. Cela avait commencé dès le début. Il avait voulu, par pure gentillesse, donner une compagne à Adam, et aussitôt, le coup de la pomme! Il avait pensé que la punition infligée aux coupables les inciterait à s’amender, mais que nenni, ceux-ci avaient continué leur comportement hors-la-loi, et bientôt ce fut l’assassin Caïn qui défraya la chronique. Au fur et à mesure que leur nombre croissait, les comportements délictueux se multipliaient. Les guerres firent leur apparition, toujours plus cruelles et barbares, et faisant un nombre de victimes toujours en expansion.
Un jour il eut une idée : il envoya son fils se sacrifier pour expier les fautes. Certains de ses collègues en firent autant, tel Allah. Mais là-bas, sur terre, les humains ne comprirent rien au message, ne saisirent pas la chance qu’il leur offrait.
Lassé, il les laissa à leurs turpitudes et ne s’occupa plus que de ses petites ( enfin, petites pour dieu) affaires du quotidien : s’occuper du jardin d’Eden, planter ses choux, sarcler les carottes, et méditer sur le sort de l’univers à l’ombre du fameux pommier qui, depuis Adam, avait beaucoup grandi.

De temps à autre, il venait jeter un oeil sur la marche du vaste monde, et à chaque fois, il repartait déçu : de telles visions lui donnaient des aigreurs d’estomac. Les guerres et barbaries de tout genre proliféraient, toujours plus raffinées et cruelles au fur et à mesure que les humains perfectionnaient leur moyens de produire et donc de nuire. Aussi s’abstint-il durant un nombre considérables de révolutions de s’en préoccuper.
Et il aurait encore poursuivi longtemps cette attitude parfaitement distanciée, si un beau matin, un ange n’était venu l’avertir qu’en bas, franchement ça n’allait plus, mais plus du tout.

  • Quoi? Ils continuent à faire la guerre, à violer les femmes et les enfants, à spolier les pauvres au profit des puissants? Mais tout cela je le sais! Laisse-moi!
  • Non Dieu, cela continue, et avec des moyens toujours plus sophistiqués, et je ne t’aurais pas dérangé s’il n’y avait pas du neuf.
  • Alors dis-vite, je fais un mot fléché un peu difficile et je veux le terminer avant le repas.
  • Eh bien voilà. Leurs moyens de production et de destruction sont maintenant si puissants qu’ils mettent en danger leur existence sur leur planète. Elle se réchauffe, le climat que tu avais si bien réparti est tout déréglé, et bientôt ils disparaîtront si tu ne prends pas d’initiative. Et le pire, c’est qu’ils le savent!

Intrigué, Dieu alla voir de plus près de quoi il retournait. Le spectacle auquel il assista lui remua l’estomac et les entrailles. Il n’en croyait pas ses yeux. La barbarie avait conquis la moindre parcelle de vie chez la quasi-totalité d’entre-eux. Subsistaient, ici et là, comme des vestiges d’un autre temps, des personnes, soit isolées, soit en très petit nombre qui avaient conservé toutes les apparences de l’être humain, et aussi toutes les composantes internes. Décidément il fallait intervenir. Mais comment? Il se remémora ses interventions précédentes qui n’avaient donné aucun résultat. C’était autrement qu’il fallait agir, et cette fois, employer de grands moyens.
Mais d’abord, prendre son repas, boire un peu de vin, et justement il avait un excellent vin de messe qu’un évêque récemment décédé venait de lui apporter ( pour assurer sa place au paradis que ne ferait-on pas!) et ensuite un peu de sieste puis réfléchir à la situation.
Ayant fait plusieurs fois le tour de la question, il envisagea une ultime décision : il fallait trancher dans la plaie, évacuer la partie pourrie du corps social, comme on le fait d’une plante, et ne laisser repartir qu’un petit nombre de rameaux après s’être assuré qu’ils étaient sains.

Plusieurs procédés furent envisagés, mais en définitive, il décida d’envoyer sur la planète terre un minuscule être vivant: un virus. Cela fit bien rire l’ange qui ne croyait pas une seconde qu’un animal si petit puisse mettre à la raison, voire faire disparaître ceux qui se croyaient si puissants.

– Rappelle-toi la fable du chêne et du roseau au lieu de ricaner bêtement!

– D’accord Dieu, mais là tu pousses le bouchon vraiment loin! Je suis curieux de voir les effets de l’ennemi que tu envoies, si petit qu’il en est invisible.

  • C’est justement en cela que réside sa force!

Il envoya un virus mortel, qu’il baptisa coronavirus, par l’intermédiaire d’une chauve-souris qui passait par là.

-Je l’envoie sur la Chine, qui compte bien plus d’un milliard d’habitants. Même s’il en meurt un certain nombre, il en restera toujours assez pour assurer la reproduction de l’espèce, et cela donnera le temps aux autres occupants de la planète de réfléchir et d’agir en conséquence.

  • Et comment se transmet le virus d’une personne à l’autre?
  • Par des gouttelettes respiratoires expectorées lors de postillons et de crachats.

Ainsi fut fait et rapidement l’on vit se créer les premiers clusters. Des patients zéro furent recherchés, des gestes barrières inventés, des patients mis en quatorzaine, et même en quarantaine, comme au temps de la peste, rien n’y fit. L’épidémie devenait une pandémie, et pour compliquer la tâche de soignants, des patients asymptomatiques firent leur apparition. Tout cela créa une belle pagaille. Mais dans un premier temps les chefs prirent des décisions dont ils voulaient qu’elles apparaissent efficaces, même s’il n’en était rien. Les populations furent mises en confinement, ce qui ne changea rien, tout au plus ralentir la marche inexorable du mal. Peu à peu l’économie s’affaissa comme un soufflé. Les trains ne voyagèrent plus, le courrier ne fut plus distribué, et l’économie s’asphyxia d’elle-même. Ainsi bientôt faute de matières premières, de possibilité de transport, les médicaments ne furent plus fabriqués. Dès lors ce fut la ruée totale. Toute la barbarie dont était capable l’être humain fleurit en tous lieux. Tout le monde s’entretuait, qui pour un cachet d’aspirine, qui pour une pizza quatre fromages, qui pour un rouleau de PQ, qui valait maintenant un lingot d’or.

Dieu laissa faire un bon moment, observant précisément le comportement des êtres qu’il avait repérés, puis il intervint. Et comme dans le roman de Barjavel, il poussa à l’insu de leur plein gré douze de ces personnes dans une grotte à l’écart qu’il avait préalablement garnie de tout le nécessaire pour redémarrer une nouvelle vie.

  • Tu y crois cette fois demanda l’ange? Et comment appelleras-tu ce lieu?
  • Sait-on jamais répondit Dieu en retournant à sa sieste. Je vais l’appeler Utopie pour favoriser le renouveau et indiquer la direction à suivre.

par Guy, mars 2020

Conte de Chantal

Il était une fois, une petite fille tenait la main de son papy pour aller prendre le bus qui, comme chaque   dimanche, les mènerait au grand parc verdoyant où ils allaient gaiement gambader .c’était leur moment précieux à eux.  Il lui contait mille petites histoires dont les insectes, les oiseaux, les arbres , les fleurs étaient les personnages mystérieux et souvent héroïques. Ce papy voulait transmettre à sa petite fille toutes les connaissances qu’il avait apprises au cours de sa longue vie et lui apprendre l’importance de l’observation , de la curiosité, et de la reconnaissance de ce qui composait le monde dans lequel elle vivait.
C’était le début du printemps, le soleil ce jour-là dans sa générosité accompagnerait la clarté du bourgeoiment, l’éclosion des pépites de la nature…papy s’en réjouissait déjà tandis qu’ils arrivaient à l’arrêt du bus..quelques minutes d’attente impatientes et ils montèrent dans le véhicule pour un trajet qu’ils connaissaient par cœur, d’une dizaine de minutes. La petite fille qui se prénommait Capucine se demandait si elle allait courir pieds nus dans l’herbe comme l’autre dimanche en sautillant entre les fleurs déjà sorties de terre dont elle ne cesserait de demander le nom.

Papy lui proposa de fermer les yeux un instant et de se rappeler la sensation sous ses pieds du chatouilli de l’herbe. Il en fit autant et se laissa bercer par le roulis du bus jusqu’à presque s’endormir.
L’arrêt du véhicule l’éveilla, il vit capucine à genoux sur son siège, le nez collé à la vitre,  figée par le spectacle qu’elle découvrait. Ils n’étaient pas devant la grande grille dorée qui ouvrait sur le parc, mais sur la place d’une ville qu’ils ne connaissaient pas. Quelques personnes se pressaient dans les rues chargées de lourds sacs , un masque sur la bouche,  des gants en plastique aux mains.

Capucine se retourne les yeux agrandis d’interrogations.
« On est où papy ? »
Un haut-parleur qui parle de virus, de confinement, d’épidémie, de super spreader..
« C’est quoi cette langue papy, de quoi il parle le monsieur ? »
Passe devant le bus une dame avec un monceau de rouleaux de papier toilette dans les bras, elle en perd presque l’équilibre. Papy se dit que peut-être il s’agit d’une artiste en création d’une œuvre d’art hygiénique.
Des gens marchent, toussent et exécutent un geste identique : le coude se lève, la tête bascule au creux du bras, est-ce la dernière chorégraphie à la mode ?
Capucine se blottit contre lui, quelque chose s’est figé dans l’espace, la tension est palpable dans l’habitacle du bus où les quelques voyageurs sont en arrêt sur image.
On vient les chercher pour, leur dit-on, les emmener se confiner dans un petit logement d’où ils ne devront sortir que sous certaines conditions, et ce pour une durée indéterminée.
Quelque chose surgit dans la poitrine de papy, une sensation déjà rencontrée sans toutefois la localiser…quelques secondes encore et il se met à chercher l’ennemi…
Il n’en voit pas. Il retient la pression de sa main sur celle de Capucine pour ne pas ajouter à l’inquiétude palpable qu’il commence à entendre chez sa petite fille.
Ils s’installent tous les deux dans le studio qu’on leur a attribué, une liste des comportements à adopter dès lors leur est communiquée, les gestes barrières..papy pose quelques questions quand il comprend la présence de l’ennemi invisible, les réponses sont incertaines, il devra s’en contenter pour le moment.
Commence alors pour Capucine et son papy une balade bien différente de celle pour laquelle ils étaient partis ce matin. « Ça s’appelle comment ici papy ? Eh bien nous dirons que ça s’appelle Utopia, ça te va ? Disons que c’est un joli nom, on dirait le nom d’une princesse…
Les questions se bousculent , car les mots entendus qui ne cessent de se répéter dans la petite radio que papy allume pour se tenir informé sont complètement incompréhensibles pour Capucine. Alors papy explique, épidémie, gouttelettes respiratoires, super spreader, quatorzaine.. »papy, tu es sûr que ça se dit, c’est très bizarre ce mot, on dirait qu’il ne dit pas la vérité…
Papy a bien d’autres questions qu’il se pose à lui-même, que Capucine se posera plus tard, quand elle sera en âge de vouloir comprendre. Il espère être là pour lui apporter son éclairage car au fil des jours qui passent , dans cette solitude imposée,  se met en lumière, les limites atteintes d’un monde qui n’a pas voulu entendre et voir les avertissements et les clignotants rouges que la bêtise humaine, aveuglante, a poussé à son paroxysme. Puisse cet ennemi invisible devenir l’allié d’une conscience en mutation, en transformation.
Et papy de penser au cocon d’où se met à vivre une merveille de papillon, au bourgeon qui dans son éclatement de splendeur donnera le fruit goûteux, savoureux qu’il sera encore un jour possible de déguster en prenant la mesure de chaque étape à accompagner humblement vers une reconstruction.
Capucine dans le creux de ses bras s’endort bercée par l’amour de cette espérance…

par Chantal, mars 2020

Conte d’Hélène

Il était une fois une contrée merveilleuse qui s’appelait Utopia. Tout le monde y vivait heureux dans le plus grand confort. Tout le monde se connaissait et était connecté les uns aux autres. De grandes fêtes réunissaient tout le monde. Le roi d’Utopia était très content. C’était une belle réussite. 
Or il y avait dans les contrées voisines tout un cluster d’ennemis d’Utopia qui envisagèrent de détruire cette belle harmonie. Eux-mêmes étaient atteints d’une étrange maladie extrêmement contagieuse qui se propageait à toute vitesse. Ils décidèrent donc de passer incognito la frontière d’Utopia pourtant bien gardée à l’occasion du Carnaval du mardi gras où tout le monde est déguisé. Ainsi les ennemis trompèrent les sentinelles et entrèrent dans le pays afin de contaminer le plus de population possible à commencer par les plus fragiles. Certains s’infiltrèrent dans les EHPAD avec le prétexte d’y faire une petite animation. D’autres allèrent inviter les filles à danser tout contre eux. D’autres s’introduisirent dans des hôpitaux, des écoles, des universités pour que le virus se propage au plus vite par les plus jeunes. À la fin de la soirée les ennemis repassèrent la frontière comme si de rien n’était. La durée d’incubation du Coronavirus – Car c’était bien lui ! – étant de plusieurs jours, ni vus ni connus. 

Les enfants et les jeunes filles asymptomatiques s’empressèrent de contaminer le maximum de personnes sans le savoir. Au bout de quelques jours, des personnes âgées moururent d’une insuffisance respiratoire. Une sorte de fièvre se répandit. On fit des recherches. Le roi convoqua son conseil scientifique. On ne comprenait pas d’où venait ce virus qu’on ne connaissait d’ailleurs pas. Grâce au service des renseignements on essaye de remonter la filière des personnes contaminées à la personne zéro. Impossible. On était débordé. Le conseil scientifique demanda une audience au roi : un confinement général devait être proclamé et un décret édicté. Tous les commerces fermés sauf ceux de première nécessité, toutes les usines à l’arrêt sauf les fournisseurs essentiels, le service des postes fermé, les sentinelles aux frontières renforcées pour ne pas contaminer les pays voisins que jusqu’ici le roi, occupé à rendre son peuple le plus heureux de la terre, ignorait totalement. 

Restait à savoir d’où venait le Covid-56 ? Qui avait pu contaminer une population aussi bien portante et vivant dans des conditions optimales ? Le roi s’interrogeait sans en avoir beaucoup le temps. Utopia manquait de tout : plus de gel hydro-alcoolique, pas assez de masques FFP2, pas assez de lits d’hôpital. Tout le pays s’en allait à vau-l’eau. Le roi réfléchit, se rendit compte qu’il n’y arriverait pas tout seul et se dit que, peut-être, il serait temps de s’intéresser aux autres nations alentours. Il demanda à ses conseillers s’ils savaient quelque chose les concernant. Les conseillers étaient dans une ignorance totale. Le roi ne savait plus à qui se vouer. Il appela sa garde personnelle et leur intima de prendre des renseignements sur les rois des contrées alentours. Les gardes pour la première fois quittèrent Utopia pour aller se renseigner. Ils découvrirent des pays et des habitants qui leur racontèrent qu’ils sortaient d’un long confinement qui leur avait fait vaincre le virus. Restait à savoir comment le Covid-56 avait passé la frontière. Au retour des gardes, le roi convoqua donc les sentinelles qui lui assurèrent qu’ils n’avaient vu personne passer les frontières. Le roi envoya une délégation aux rois voisins pour demander comment ils avaient fait pour s’en sortir. Les rois répondirent qu’ils ne le connaissaient pas. Le roi pris alors conscience de son isolement et entrepris d’aller lui-même faire connaissance des nations voisines. Et bientôt tout rentra dans l’ordre. Les rois voisins qui avaient fait faire des recherches avaient déjà trouvé les remèdes nécessaires à l’épidémie. Ils furent si contents de connaître enfin cette nation, confinée sur elle-même qu’ils offrirent leur aide gratuitement au roi d’Utopia qui découvrit enfin la véritable liberté et l’étendit à tout son peuple en ouvrant grand les frontières. 
Hélène (mars 2020)

Conte d’AL

       Le début de la fin

Il était une fois, en mars 2020 sur Utopia, une île perdue au milieu de l’Océan pacifique, notre personnage principal, Anton, regarde le monde de haut, avec son regard acerbe et ironique. C’est le début de la fin pense-t-il, l’étincelle qui va mettre le feu aux poudres. Anton est collapsologue, il est certain que le monde va s’écrouler, pour renaître de ses cendres tel le phénix. L’humain fait tout depuis des décennies pour détruire le monde dans lequel il vit, il en profite à outrance et tire au maximum sur les ressources qu’il lui offre pourtant si généreusement. Mais l’humain veut toujours plus et tire et tire dessus, il imagine que c’est un puits sans fond alors que bientôt il ne restera plus une goutte dans ce puits pour l’abreuver. Anton se réunit régulièrement avec des penseurs de l’effondrement, ils s’appuient ensemble sur leurs pratiques et calculs scientifiques qui démontrent par A+B que nous allons droit dans le mur, et pas un mur en stuc, un mur en béton armé, qui quand on se cogne dessus nous laisse roides.
Depuis quelque temps, une menace plane dans l’air, une menace qui viendrait d’une lointaine planète, une menace qui proviendrait d’un animal mythologique, l’ornithorynque ailé et masqué. L’ornithorynque « classique » est un animal qui vit en Australie et qui est semi-aquatique, notre ornithorynque ailé et masqué a deux petites ailes sur les flancs et des yeux entourés de poils blancs, eux-mêmes entourés de poils noirs, ce qui lui confère donc cet attribut de « masqué ». Il vivrait quant à lui sur une autre planète et serait porteur d’un virus attrapé lors du gobage de petits oiseaux terrestres (eux ne volent pas donc) qui à force de ne pas voler ont développé une maladie, la maladie des oiseaux tristes qui ne peuvent pas voler. Evidemment lorsque l’on vit contre sa nature, on contracte tout un tas de maladies c’est bien connu ! Ce virus porté par notre animal mythologique aurait été rapatrié par un cosmonaute parti dans une fusée à la découverte des autres planètes. L’équipe de cosmonautes envoyée dans l’espace pour cette mission Apollo 18 eut un accident de fusée dans la stratosphère, la fusée atterrit tant bien que mal sur la planète Mars. Les cosmonautes moururent tous écrabouillés sauf un qui s’échappa de l’habitacle par miracle et qui réussit finalement à réparer la fusée grâce à un tutoriel qu’il a pu télécharger sur son portable intergalactique. Le temps de réparation fut long et les provisions vinrent à diminuer. Notre cosmonaute eut faim et en patrouillant sur Mars, pensant au départ ne trouver aucune vie animale, seulement des cratères et des volcans, découvrit dans une grotte ce mammifère ailé et masqué. Une nuit, même s’il fait toujours très sombre sur Mars vu le faible ensoleillement, le cosmonaute armé du coutelas de Rahan (exactement le même) plonge dans la grotte, se bat pendant des heures avec l’ornithorynque qui tente de s’évader avec ses ailes mais se fracasse contre les parois de la grotte, il jette au cosmonaute des regards masqués furibonds qui ne le déstabilisent pas d’un poil, le cosmonaute est griffé sur tout le corps mais finit par tuer l’animal après moult coups de couteau assénés. Dans la grotte, il dépèce l’animal, frotte quelques pierres, fait un feu et hop voilà l’animal grillé et avalé ! Après quelques semaines et quelques festins d’ornithorynques ailés et masqués débusqués au fond de leur trou, la fusée est réparée et le cosmonaute revient sur Terre.
Il ne se sent pas en grande forme, attribuant cette fatigue à son épopée interstellaire, mais part promptement faire son rapport au chef de la NASA. En lui parlant – il n’a pas parlé depuis longtemps – il commence à lui tousser dessus, s’excuse, finit son rapport et rentre chez lui, raconte à sa famille ce qu’il a vécu, leur envoie aussi des postillons de toux plein la figure, s’excuse et va se coucher. Il ne savait pas encore qu’il allait être affublé d’une attribution très particulière : le « patient zéro », le premier à être infecté par ce virus. C’est ainsi que le virus, que nous nommerons « ornithovirus », commença à se propager sur toute la planète en mars 2020. Ce patient zéro était en effet un super-spreader, ainsi que chaque membre de sa famille et le chef de la NASA également, et le temps qu’ils s’aperçoivent de leur contagiosité extrême, le mal était fait, ils distribuèrent allègrement le virus autour d’eux et l’épidémie se propagea au point de devenir une pandémie.
Sauf sur Utopia… Utopia est difficile à atteindre, Anton et ses compères collapsologues se sont installés sur cette île lointaine avec tout leur « barda » scientifique pour pouvoir tranquillement élaborer leur théorie catastrophiste. Ils communiquent évidemment au monde le résultat de leurs recherches mais le monde ne vient physiquement pas à eux. L’île est en effet entourée de rochers acérés, pointés vers le ciel, et celui qui s’en approche peut être déchiré et découpé en morceaux comme sur des fils barbelés. Anton s’est replié sur cette île pour pouvoir réfléchir loin du brouhaha des villes et des campagnes. Cette île était déserte, c’est là qu’il a décidé d’établir sa base avec ses comparses il y a plusieurs années. La réflexion sur le monde peut se faire à distance et même, elle est plus aisée de loin, le regard porte davantage.

Selon la théorie d’Anton, ce virus était programmé pour arriver sur Terre en mars 2020, il l’avait annoncé il y a plusieurs mois mais personne ne voulait le croire. L’ornithovirus a plusieurs significations selon lui : il est envoyé de l’Univers afin que l’homme se rende compte de son comportement et le change pour ne pas détruire sa planète ; il provient d’un animal, que l’homme a tué, pour que l’homme réfléchisse à son essence animale, à son instinct animal, à l’animalité qui est en lui et qu’il ne doit pas effacer, détruire, sous ses travers humains, pour qu’il réfléchisse au sauvage qui est en lui et qu’il ne doit pas gommer car il est indispensable dans son développement et son rapport à soi et aux autres. Voilà la conclusion non détaillée des recherches d’Anton.

Les effets du virus se décuplent… L’ornithovirus touche de plus en plus de pays, jusqu’à donc une pandémie. Chaque gouvernement inflige l’ordre à la population de se confiner, c’est-à-dire de se terrer chez soi, comme un animal qui serait la proie d’une force supérieure destructive et qu’il ne peut  combattre. Chaque État ferme ses frontières avec les États frontaliers mais il est déjà trop tard, le mal est fait. Comme chacun le sait, l’humain respire, inspire, expire, cette fonction vitale, cette habitude même, à laquelle on ne réfléchit plus tellement elle est naturelle, devient le centre du problème : chaque gouttelette respiratoire qui s’échappe des naseaux ou de la bouche d’un humain peut être nocive à un autre humain. D’où l’enfermement des uns et des autres pour que chacun ne pollue pas son prochain.
« C’est incroyable ! » s’exclame Anton, l’humain pollue la planète et n’en a cure, la planète se venge par la pollution des hommes entre eux, une auto-pollution ça c’est très fort ! il est aux anges de cette découverte même si la situation est de plus en plus critique.
Malgré les gestes barrières et les seize commandements ressassés à outrance : tu ne tousseras pas sur autrui, tu ne cracheras pas sur autrui, tu ne baveras pas sur autrui, tu ne vocifèreras pas sur autrui, tu te tiendras à une grande distance d’autrui, tu ne pleureras pas dans les bras d’autrui, tu n’éclateras pas de rire devant autrui, tu te moucheras dans ton tricot, tu te laveras les mains 100 fois par jour avec de l’alcool à 90 degrés (100 si tu trouves), tu ne feras pas l’amour, tu ne rouleras pas de pelle à tes amant(e)s ni à tes amis, tu ne te baladeras pas, tu ne feras pas tes courses pour t’alimenter tu seras livré, tu mettras une croix sur le sport même si tu en faisais tous les jours sinon tu pètes un câble, tu resteras cloîtré dans ton trou (si tu as la chance d’en avoir un) jusqu’à la fin des hostilités et tu te tairas surtout, on ne veut pas t’entendre ! donc malgré ces consignes strictes, les humains continuent allègrement à se polluer mutuellement car ils sont indociles ! Certains même se sentent en vacances, partent avec des potes loin des villes invivables, en profitent pour faire la fiesta, se refilent l’ornithovirus à pleins poumons en hurlant les paroles de leurs chansons préférées… ces réunions amicales sont de véritables clusters, tout le monde est infecté, car il faut savoir que même si une personne n’a pas l’impression d’être malade, elle peut quand même être asymptomatique, sans symptômes visibles du mal, et avoir le virus en elle et du coup être contagieuse, donc tous ceux qui partent ensemble en imaginant qu’ils sont sains peuvent être une véritable « bombe virale » pour les autres… Et les familles se retrouvent ensemble 24h sur 24, les enfants deviennent dingues de ne pas sortir, ils insultent leurs parents en leur postillonnant dessus, les parents deviennent aussi dingues et les frappent, les violences domestiques se multiplient car les gens n’ont plus l’habitude de vivre ensemble 24h sur 24, car beaucoup bossent, vont à l’école, mais là les bosseurs télétravaillent et les mômes ne vont plus à l’école, bref c’est la bérézina !

Résultat des courses : la quatorzaine se transforme en quarantaine, les nuages grossissent dans le ciel, le monde s’assombrit, les dépressions se multiplient, c’est le début de la fin…

Anton, face à cet effondrement programmé, sort sa baguette magique de son barda scientifique. On pourrait penser que « magique » et « scientifique » ne vont pas ensemble et pourtant si, car sa baguette est née de ses recherches scientifiques. Il l’a conçue en cas de force majeure : si l’humain déconne trop ou est en pleine bérézina, si les États deviennent trop liberticides et sont dépassés par les événements, il la dégainera ! Après avoir psalmodié quelques formules savantes, Anton brandit sa baguette sur le monde, lui donne un coup sur la calebasse en murmurant « Ainsi soit-il ! », afin que sa prière soit exaucée promptement.

Soudain, le monde change, l’ornithovirus aidé du coup de baguette magique accomplit son destin final : chaque humain se transforme en animal ou redevient totalement l’animal qu’il était tout en le niant. Citons quelques exemples de cette transformation : les nageurs invétérés se transforment en poissons, les coureurs en guépards, les cavaliers en centaures, les policiers en fouines, les hautains en girafes, les voleurs en singes, les dormeurs en paresseux, l’homme violent se transforme en gazelle, sa femme en lionne qui le dévore, les doux en agneaux, les agiles en chats, les puissants en cerfs (en serfs ah ah ah !), les fidèles en chiens, les travailleurs acharnés en fourmis, les méchants en hyènes, les caverneux en ours, les emmerdeurs en mouches, les rusés en renards, les bavards en poules, etc. Le monde devient une vaste jungle où tous les animaux s’entre-dévorent jusqu’à extinction totale des espèces, la sixième et la dernière. La nature reprend ses droits, tout n’est que mousse, humus, arbres remarquables, plantes invraisemblables, fleurs odorantes, rivières scintillantes, montagnes captivantes…

Sur Utopia Anton et ses comparses se félicitent du dénouement suite à ce coup de baguette magique, et malgré leur protection insulaire, ils se transforment eux-mêmes en rats de bibliothèque afin de plancher sur un monde nouveau où les animaux apprendront à vivre ensemble et où l’humain (s’il revient sur Terre) se fera forcément plus petit qu’un bœuf, sacrée grenouille, quelle vantardise ! (cf « La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf » – La Fontaine)

AL – Mars 2020 (évidemment !)

Voyelles… psychédéliques… à la Rimbaud ?
par Karine

A. Rouge. Escabeau-chevalet. Support vertical bien ancré sur le sol, aplomb et élévation voire surélévation garanti(e)s. Renversement possible. Les deux pieds deviennent deux cornes de tête de vache. Le renversement provoque un cri « Ah… ! » Retour à la terre, aux origines, aux questions sur l’ordre des choses, pattes en l’air, tête en bas. Le sang alors afflue vers la tête et les pieds deviennent double sommet d’une base unique bien fichée dans le sol. Embarras du choix des directions : l’une ? L’autre ? Les deux ? Les trois ?

E. Jaune. Peigne, râteau. Pour démêler, ratisser. Peut éventuellement servir d’échelle, à condition d’être solidement arrimé à un mur. Attention de ne pas se blesser si les griffes sont pointues. On peut l’attraper par sa grande barre et se servir de ces griffes. Comme outil, ou comme arme. Très utile mais euh… on hésite, car dangereux, quand même.

i. Violet. Raideur et suspension. Strident. Comme le cri associé à la vision d’une souris trop furtive pour ne pas être terrifiante, même si l’on n’a pas d’ancêtre éléphant. I Comme une bougie au corps contenu et à la flamme vacillante. Ou vaillante, si l’on omet le C. I de l’hystérie, de la fragilité, du raidissement d’effroi et de la cire à froid, qui fond mollement sous l’effet d’une flamme.

U. vert. Très français, sinon on dirait « ou ». Creux mais accueillant. Ne verse que d’un côté car stable de l’autre. Une patère pour gaucher, si jamais l’on pensait à l’accrocher par son côté stable. U entraînant, comme le « Hue ! » à la mule qui se traine, chargée d’un fardeau trop exigeant. U très utile car on a toujours beaucoup trop à déposer, on ne sait jamais où. U stimulant, surtout pour autrui, déchargeant pour soi.

O. Bleu. De la surprise. On ne s’y attendait pas. On ne s’en remet pas, on n’en revient pas. S’éloigne à peine et revient d’où il est parti. Retour en boucle, bouche ouverte mais fermeture du cercle. O du mille, touché en plein dedans, failli l’avaler. Puis repart en bulles. Après tout, pourquoi pas ?
Bol d’écriture du 11/10/19
Merci à Anne-Laure, d’apporter de si bonnes idées d’écriture.

K.Y.D.

Voyelles surréalistes dominantes et jaillissantes
Couleurs noyées et vagues peinturlurant les mots et les ordres
Valeur des notes musicales retentissantes en fracas multiformes

A jaune triomphant comme le Fa Majeur
Pète en trompette comme le Soleil
au travers des chemin de feuilles
au sommet de la Forêt

U bleu ténu comme sol mineur
tendre et penché vers autrui
s’insinuant en douceur
dans les cœurs

E dur et terminal tombant d’aplomb
à la fin des mots vide et rempli
de rien féminisant mentant et
toujours tombant de haut

I rouge et sonore comme l’éclat de rire
Mi Majeur et si mineur faits de dièses
et d’arythmie aigu et strident sur
les lèvres rougies

O limpide et blanc mer et marée revenante
mouvante et écumante étonnante
et remuante abyssale et profonde surnageant
sur l’onde

Couleurs noyées et vagues peinturlurant les mots et les ordres
Valeur des notes musicales retentissantes en fracas multiformes
Mots de la fin et consonantes correspondances

haïkus

Aurore rougie
Pâle être de la nuit
le A endormi
*
Étoile riant
à l’orée de la nuit
E se lève bleui
*
Le U foudroyant
là-haut si bas terrible
coup noir éclatant
*
Irrésistible
le tyran rouge et subtil
au-delà des vies
*
Onagre vivant
dans les steppes criantes
blanches et cassantes

Par Hélène
Thème : d’après Voyelles d’Arthur Rimbaud
11 octobre 2019

Une aventure étrange
par Guy Dumélie

Comme chaque vendredi 13, mon ami John m’avait invité à le rejoindre dans son manoir situé au fin fond de l’Ecosse. Il était homme de rituels, trouvant que c’était là le meilleur moyen de structurer le temps qui passe. Et, par conséquent, depuis très longtemps nous nous retrouvions chez lui à chacune de ces coïncidences qui chez moi n’éveillaient aucun intérêt particulier. Je n’accordais aucune signification ni importance aux nombres, pas plus au 13 qu’au 7 ou au 3. Après tout, le 13 n’était que le lendemain du 12 et la veille du 14.

J’étais chaque fois très heureux de retrouver John. Nous avions vécu dans une grande proximité lors de nos études à Paris, puis chacun avait suivi son parcours professionnel, l’emmenant, lui, à Edimbourg, moi dans divers pays méditerranéens.

J’étais heureux dis-je, mais son manoir était totalement isolé, au coeur d’une forêt profonde, et à chaque voyage je ressentais une sourde inquiétude en commençant le long parcours à pied, sur un chemin incertain, le plus souvent à la nuit tombante, environné par les cris des chouettes et autres effraies, frôlé par l’aide d’un rapace qui surgissait tout à coup. Je n’étais rassuré que lorsque je devinais au loin la bâtisse éclairée.
Mais je savais que cette fois, cette vision ne suffirait pas à me rassurer. A vrai dire, j’étais inquiet, inquiet à propos de la santé mentale de mon ami. Lors de mon dernier passage, il m’avait tenu des propos étranges, qui m’avaient d’abord étonnés, puis rapidement abasourdis. Dans quel état allais-je le retrouver?
Bien que la nuit s’avançait de plus en plus, je pressai le pas, autant par curiosité qu’à cause du froid, le thermomètre n’était-il pas descendu très bas pour la saison? Enfin j’arrivai. Nestor, le fidèle valet vint m’ouvrir:

– Monsieur ne va pas tarder. Je tiens à prévenir Monsieur que Monsieur est un peu, comment dire?, un peu fatigué, surmené? Je ne sais pas si Monsieur voit ce que je veux dire : nous vivons des temps légèrement particuliers. En attendant, Monsieur peut déguster de délicieuses cerises reverchon que nous avons reçues ce matin. Et il me tendit un compotier recouvert de nacre, rempli de fruits d’un rouge sang. Après m’avoir délesté de mon épais manteau, je m’assis au salon. L’atmosphère était étrange, on aurait dit que les sons étaient assourdis, comme par l’action d’un étouffoir. Tout à coup, la double porte s’ouvrit et, sortant de l’obscurité, je vis surgir Nestor, nu, un nez de clown au milieu de la figure, brandissant une hache, s’écriant à plusieurs reprises : «Arrière Satan!» et poussant des cris rauques!
Stupéfait par une telle vision, je jetais un regard dans le miroir, sur ma gauche. Derrière moi, mon ami apparaissait en gaine culotte et porte-jarretelles rouges, tenant une queue de rat dans une main et un tournevis dans l’autre. Sur un ton doucereux, il s’adressa à moi :
– Avant de croquer la pomme, un peu d’exercice nous mettra en condition! Et pourquoi pas une partie de ping-pong ! dit-il en jetant les yeux sur une raquette de tennis de table, posée à côté d’un cendrier et d’une bougie sur une table basse.
J’étais sidéré, cette demeure était devenue la maison des fous. Que faire? L’un courait toujours autour de la pièce, en brandissant sa hache et en poussant des cris d’orfraie, l’autre m’invitait à des jeux que je ne désirais nullement. Je sentis mon cerveau se disloquer, que bientôt moi aussi je les rejoindrais dans leur monde étrange et déréglé. Je ne parvenais pas à me décider.

Fuir dans la nuit m’apparaissait impossible, débuter la partie de ping-pong : non, merci. C’est alors qu’une sorte de princesse enveloppée d’un nuage de tulle s’avança, glissant sur le sol, entourée d’une horde de staphilins, qu’elle dirigeait du doigt. Les insectes, tels un très long essaim, suivaient docilement les indications provenant du doigt. Et cela faisait comme une longue traîne bruissante. Elle s’avança vers moi en souriant et me tendit une gousse d’ail. Chacun connaît les pouvoirs magiques de cette plante.

– Mange, dit-elle, et ensuite à l’aide de ce pinceau, tu pourras repeindre la réalité et lui rendre son aspect habituel. Cette perspective, bien que m’apparaissait peu réaliste et j’hésitais. Devais-je croire à ce que je pensais n’être qu’une nouvelle faribole?
– Alors tu viens, me dit-elle d’un air boudeur?
– J’arrive !

Sur ce, elle me coiffa le nez d’une pince à linge qu’elle sortit du tulle et, la tenant au bout d’une ficelle, m’emmena vers un ailleurs que je souhaitais apaisé, sinon heureux. Des séraphins jetaient des pétales de rose sur notre passage. Cela était rassurant. Après tout n’étions-nous pas un vendredi 13, jour où le destin s’octroie des fantaisies?

Guy Dumélie

Se laisser toucher par un regard…
par Karine
Bol d’écriture août 2019

« Tu veux ma photo ? » crache l’ado en crise à quiconque ose poser un regard sur sa personne en mal d’amabilités.

Comment se sentir agressé-e à ce point par un regard pourtant anodin croisant le sien ?

Paranoïa pré-pubère qui s’imagine être la cible de toutes les mauvaises intentions ou expression inversée du besoin d’être considéré-e et reconsidéré-e… ?

Mystère.

Quelle épreuve, ensuite, l’immersion dans le grand Paris ! Dans ses réseaux de tuyaux surpeuplés d’inconnus, où le risque d’être importuné-e est si grand que l’application à ne croiser aucun regard devient un réflexe de survie.

Savoir se mouvoir dans les flux de façon à éviter tout contact visuel… Là, on ne dit pas bonjour quand on se croise, on ne dévisage pas, on ne salue pas comme on peut le faire au village.

Le contact physique est difficile à éviter, pourtant, tant on est serrés dans le métro, le RER et parfois même dans les stations.

Certains ne s’y gênent pas, en profitent, même, odieux frotteurs invisibles et malsains. Violence de l’immersion dans la foule, où le contact se produit sans prévenir et sans regard.

Agression du regard intrusif, aussi, de l’œil qui apparaît soudain dans la cloison de toilettes publiques universitaires, quand vous croyez justement être à l’abri.

Cible du regard d’autrui.

Ou provocation ?

Jeu de pouvoir… qui ne profite qu’à celui qui regarde. L’œil traque et abuse, viole l’intimité .

Le réflexe défensif de l’ado devient survie et sauve. Excès de bouclier ou armure nécessaire…

Parfois le regard manque. Un regard aimant sur un corps qui se transforme et ne se reconnaît plus lui-même. Se voir accepté et aimé dans le regard d’autrui rassure, renforce, apaise. L’ado s’apprivoise, s’accorde avec son évolution, accepte les nouvelles dimensions acquises et conquises.

Pouvoir bienfaisant du regard aimant, respectueux, altruiste.

Regard de parent ou regard d’amant, ne pas confondre, c’est important.

Accepter de se reconnaître soi sur une photo : qui est cette personne ? Est-ce vraiment soi ou ce qu’en a vu le-la photographe ?

Est-ce ainsi que je suis vu-e ? Suis-je cette image ou bien ce que je ressens de moi-même ?

Que faire de cette surprise, comment la vivre…

« Il y a des moments où deux regards qui se rencontrent se touchent ». A dit Alphonse Karr.

Encore faut-il qu’ils soient l’un et l’autre d’accord pour le faire.

Là commence le vrai problème.

… Ou se laisser regarder par un toucher ?

« Comme l’amour est aveugle, il est très important de toucher » dit un proverbe brésilien.

La séduction face à la cécité émotionnelle. Mise en scène foudroyante, coup de foudre spectateur, tentations de rencontres… Mais alors là, fétus de paille, vessies au lieu de lanternes, miroirs aux alouettes et mirages.

Derrière l’écran, la vitrine, l’image, plus rien.

Juste d’éventuels souvenirs, des rêves, des empreintes de fantômes.

Doux au regard, absents au toucher. Séduction manipulatrice contre attraction magnétique des fluides.

« Assemble les fragments comme ils viennent » Virginia Woolf
Bol d’écriture du 14 juin 2019

Une vie d’écriture en parallèle
Eparses morceaux de soi
Semés çà et là au gré des rencontres
Auteurs ou congénères
Qu’on génère ? –

Il y a des espaces entre les choses
Entre les choses, entre les gens
Comme entre soi et soi
Boire le sombre, le boire cul-sec
Dose ambrée sur lèvres chaudes.
Ne pas raidir l’échine
Quand l’épine dorsal cliquète
Chanter doucement un hymne
Entre les houles de la tempête

Se reconnaître
Voyager avec soi
Parmi les autres
Assembler les fragments comme ils viennent
Sombre chanson saoûle d’homme
Sombre part de soi
A jeter au large
Lors d’une longue salvatrice marche
Loin des rivages
Peut-on tout dire, tout réunir
Accoucher de tout
Comme de soi
Le dire avec de la grâce
Sans donner du papier à manger
Comme un corps crie sa prière
Alors que le désir mouille
Trop de désirs
Attise les fouilles
Epuise les foules
Entête ou souille
Il doit bien y avoir des volets
Aux grandes fenêtres entrebaillées !
De la pudeur aux grandes idées
Pour dire le feu
Sous la glace
Et alors
Seulement alors
Chanter doucement l’hymne
Entre les houles
Apprivoisées
De la tempête.

Karine

Thématique « Terre mère » atelier 1er mars 2019 – Karine

Les villages se vidaient.
Les jeunes laissaient les vieux à leurs potagers. Les haricots verts avaient trop de fils et les mains calleuses griffaient les joues caressées.
La terre était dure, le sol était bas.
La télé ronronnait dans les foyers, l’école donnait d’autres idées. Et les villages mouraient. Ils se vidaient de leurs jeunes, de leur café-dépôt de pain-épicier.

Vingt ans plus tard, ils y reviennent. Les mêmes, ceux qui les ont quittés.

Bitume, plexigas et acier ont eu raison de leur belle santé même s’ils gonflaient leurs porte-monnaie.

Pour leurs enfants, ils y reviennent. Ils tentent de retrouver les gestes perdus que les anciens n’ont pas pu leur montrer, mieux attirés qu’ils étaient par la télé et les bédés.
Les liens se sont rompus, les racines ont cassé, à force de consommation en supermarchés, pommes de terre sous vide et tomates toute l’année.

Négligée, la terre a repris son lait.
Les oiseaux chantent encore, mais les insectes ont renoncé. Les vers ont déserté les poussières trop labourées.
Sillons à perte de vue, plus de haies, engins démesurés, traitements à volonté et agriculteurs endettés.

Usines à chips, stockage des denrées, conserves longues durées et attractivité des hypermarchés…
Sel et sucre n’ont plus manqué. Diabète et hypertension se sont installés.
Avec le lait de la terre, l’amour des êtres s’en est allé. Le désir d’avoir a succédé au plaisir de voir.

Avoir n’a pas apporté le bonheur. Alors ils sont revenus.
Pour montrer à leurs enfants un monde meilleur.
Entre ciel et terre, ils marchent debout.
Le cœur dans les étoiles, entre deux épisodes de Starwars, ils remettent les mains dans la terre.

Cyborgs de la permaculture, cowboys péri-urbains, rappeurs de carottes et paysans des cités, la Terre-Mère les a tous rappelés.

K.Y.D

Mythologie dans le boudoir… par Karine
Bol d’écriture du 14/12/18
Les déesses descendront­‐elles de l’Olympe pour sauver la Terre dont la fin est annoncée vendredi, dans cinq jours ?
Pour sauver quoi ?

Athéna
Artémis, tiens-­toi tranquille. Qu’on descende ou pas, tu ne peux pas rester dans cette tenue, de toute façon.
Artémis
Je n’en peux plus d’être là à ne rien faire ! Assez de cette immobilité ! Qu’est-‐ce qu’elle a ma tenue ?
Athéna
Ta jupe est trop courte, ton décolleté trop ouvert, tes talons trop hauts et ton maquillage trop voyant. Héra, dis­‐lui, toi !
Héra
Il faut bien que jeunesse se fasse. Et, si nous descendons, que les jeunes filles la
reconnaissent comme la leur et la suivent. Elles sont notre seul espoir de repartir à zéro.
Aphrodite
Elle est parfaite, ta tenue, Artémis.
Athéna
Attendez, nous n’avons encore rien décidé. Repartir de zéro, d’accord, mais pour faire quoi ?
Qu’est-‐ce que ces jeunes filles peuvent bien reconstruire de mieux, sans aucun plan, avec un décolleté pareil ?… Alanguies comme toi, Aphrodite, elles ne risquent pas de reconstruire grand chose, elles vont droit à la reproduction et à la perpétuation de ce qui cause la perte.
Hestia
Comment peux-­tu dire une chose pareille ? Héra, tu l’entends ? Comme s’il ne fallait pas plaire, aimer, pour rencontrer et construire sur la meilleure base qui soit ? Existerais‐je si Héra n’avait pas séduit Chronos ?
Héra
Parlons-‐en de ton existence. Tu n’en as pas assez de tourner en boucle autour de ton feu domestique ? Tu ne voudrais pas sortir un peu de ton petit confort convenu et explorer la chance offerte par un nouveau big bang ?
Hestia
Déméter, au secours ! Tu entends ce que dit ma mère ? Dis-­moi, comment semer, cultiver, récolter avec régularité si le foyer explose, si l’amour qui soude les êtres autour du foyer ne les rassemble plus pour unir leurs forces ?
Déméter
Vos histoires me fatiguent. Débrouillez-­vous. Mais dépêchez‐vous de trouver la solution parce que là, ce n’est plus possible. La Terre n’est plus la Terre, le blé devient indigeste et les outils créés par les hommes finissent par servir la fin du monde plus qu’à la moisson de leur nourriture. Il y a urgence !
Artémis
C’est bien ce que je disais, on est d’accord. Moi, j’y vais, Déméter. Et je t’assure que ces outils, ces machines toujours plus grosses que l’homme a créées, pour lesquelles il s’est endetté et avec lesquelles il a asséché la Terre, je les renverrai aux banquiers et je trouverai le moyen de restaurer la fertilité.
Athéna
Tu comptes labourer avec tes talons ?
Artémis
Ce que tu peux être froide et désagréable ! Peux-‐tu imaginer une seconde qu’il n’y ait pas que le calcul qui soit puissant ?
Aphrodite
Je suis d’accord avec toi, Artémis. Allons­‐y ensemble. Haut les coeurs ! et on verra bien.
K.Y.D.

A LOU !
Poème par Michèle

« Ma Lou, je coucherai ce soir »
Loin de toi et de tout espoir
De me trouver emberlificoté
Dans tes bras et tes filets.

Mon cœur gros bat la chamade
Mon cerveau se met en rade
Mon corps frissonne éperdument
Mon sexe résiste au giqulement

Ton visage perce les lentes brumes
Du matin qui surprend ma plume
A glisser comme une caresse
Sur ton dos rond et sur tes fesses !

Ton odeur sucrée m’ensorcèle
Alors que je me tiens en selle,
Chevauchant mon destrier Aton,
Je dessine de mémoire ton bouton.

La guerre me tient prisonnier mais
« L’amour est libre, il n’est jamais soumis au sort ! » Ton Gustave

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Atelier 1er février 2019 – Thématique : Elévation

En partant du poème « Elévation » de Baudelaire, d’une liste de mots concoctée par chaque participant évoquant l’élévation et à l’inverse la lourdeur, écriture d’un poème sur une élévation avec allitérations et assonances

Les sabots du paysan s’enfoncent dans la fange moirée
Ses sanglots puissants martèlent la croûte terrestre
Mornes miasmes émanant du fumant fumier
Le moribond répand sa morbide tristesse

Des années de labeur acharné l’ont anéanti
Sous des ciels bas et lourds la charrue fut tirée
Monotones allers-retours dans des champs inondés
Le marteau du temps s’est abattu sur lui

Une aile vigoureuse le soulève de terre
Libre et léger il s’envole vers les éthers
L’alouette vient lui conter fleurette
Serait-il temps de prendre la poudre d’escampette ?

Il sillonne entre les nuages il n’a plus d’âge
Son âme guillerette fait des pirouettes
Soudain rajeuni il se balance sur son escarpolette
Fait un pied de nez au monde et s’élance pour un long voyage

Anne-Laure

ELEVATION par Michèle

Dans le tombeau sombre où reposait son corps,
Englouti dans la maudite terre parmi les morts,
Et l’esprit libre de tout’ entrave mortelle,
Il s’envola comme l’oiseau, à tire d’aile ….

Loin des marécages humides et des eaux saumâtres,
Il chercha la lumière et la pureté d’albâtre,
Flotta longtemps dans le bleu sous-marin du ciel,
S’accrocha aux nuages aux couleurs de miel.

Quittant le labyrinthe d’obscures catacombes,
Espérant trouver la route des cieux étoilés,
Il plana au-dessus des forêts et des combes
Et traça son chemin à travers les nuées.

Guérie des chagrins et plaintes de la vie terrestre,
L’âme s’enveloppa de grâce et de soupirs célestes
Et s’éleva tel un cheveu d’ange vaporeux,
Rejoindre les colombes et paons de jour heureux !

Elévation par Karine

L’a pris du plomb dans l’aile, l’Père Papillon
Le tic-tac lourd de la sombre horloge comtoise
L’oriente vers les abîmes de son sommeil profond
Il est tombé sur la tête, chargé comme un dindon
Qu’aurait croisé un âne
A peine débâté, braillant à perdre l’âme
La peur d’être enferré
Quand l’aigle d’à-côté, l’esprit toujours perché
Sur les hauteurs de canopées
Aspire encore à de nouveaux sommets
L’espoir léger niché
Dans les volutes de brumes évaporées
Vise l’azur étincelant des nuées de l’été.
Plus haut que des peupliers, chênes et hêtres,
Rois des futaies
Rivalisent d’ambition avec les cathédrales de flèches
Exigées par les rois
Par-dessus les sols
Pour transmuter la vase et le poids des pêchés.

PASSAGES – 4 acrostiches par Karine

Paysages
Arides
Silencieux
Situés
Au-delà des
Gorges
Enchantées

Papillons
Araignées
S’enroulent
Sur eux-mêmes
Avant la
Grande
Eternité

Plein d’énergie
Amère et dédaigneuse
S’en aller
S’éloigner
A la recherche de
Générosités
Ephémères

Puisque l’âme est ainsi faite
Amère, hautaine et dédaigneuse
Si prête à détester
Si prête à rejeter
Ancrée aux plus sombres
Grommellements
Enervés 

K.Y.D.

 » Mes glaneurs de rêves » par Michèle Janoly

« Par certaine nuit spécialement claire, il m’arrivait de voir du mouvement dans » les buissons qui entouraient le champ à proximité de ma maison. J’imaginais des oiseaux venus là pour se reposer et se protéger des prédateurs.
Sous la lune que j’admirais de la fenêtre de ma chambre et qui me souriait, les arbres ressemblaient à des statues déglinguées, immobiles et enveloppées de voiles cotonneux.
Je les avais appelés « Les glaneurs de rêves » et tous les soirs, j’accrochais à leurs bras des étoiles, des papillons aux ailes diaphanes, des cheveux d’ange et des images colorées, sorte d’ex-voto(i) pour qu’ils exaucent mes souhaits durant la nuit.

Le vent faisait bruisser les feuilles du noyer et craquer les branches …. Puis soudain, le silence s’installait « et là, il était possible d’entendre une graine se former, l’âme se replier comme une nappe blanche ».
Le ciel s’assombrissait, l’astre resplendissait faisant danser quelques ombres fugaces sur le toit de la grange, plantée au milieu du pré.

J’allais alors allumer l’amadou de la lampe-tempête qui trônait dans la véranda, accrochée près de la porte. Depuis quelques temps déjà, mes amis et moi avions pris l’habitude de communiquer en nous envoyant des signaux, selon un code bien établi, d’une maison à l’autre du petit hameau où nous habitions. Le jeu des lumières faisait danser les haies au son du chant du ruisseau. La mélodie variait selon les saisons : plus douce en été, plus sautillante au printemps, « allegro » en automne et « forte » en hiver, avec les eaux diluviennes dues à la fonte des neiges.

Nous étions en automne et la pluie soudain se mit à tomber, mitraillant les vitres de la véranda. Les lueurs s’éteignirent brusquement et mon esprit vagabond me fit entrevoir un vieil homme à barbe blanche, drapé d’une cape et coiffé d’un haut-de-forme. Il devait être beau du temps de sa splendeur !.. Il avança un milieu du champ, s’arma d’un violon et d’un archet et commença à jouer un air de valse lente, langoureux et nostalgique.

Les étoiles et les papillons se détachèrent des branches des arbres glaneurs et ouvrirent le bal. Ils finirent dans un tourbillon endiablé puis se dispersèrent au gré du vent.
Le vieil homme me fit un signe de la tête, s’inclina et s’éclipsa à son tour pour regagner la cabane située près du mur de pierres, laissant le silence de la nuit reprendre sa place.
Un de mes rêves venait d’être exaucé et je me réveillais en plein sommeil paradoxal, phase V.
« Ma tâche n’avait rien eu d’exceptionnel mais simplement, j’avais pu arracher une pensée fugace, telle une touffe de laine, au peigne du vent ». FIN

Michèle JANOLY


« Les glaneurs de rêve » par Karine

 d’après Patti Smith, “L’esprit d’un enfant pareil à un baiser sur le front”

Par certaines nuits spécialement claires, il m’arrivait de voir du mouvement dans les noeuds du bois dont les portes de l’armoire de ma chambre à coucher étaient faites, chez ma grand-mère. Si je déviais le regard, les plis du rideau bougeaient à l’unisson.
Ne pouvant y échapper, je me laissais alors bercer et mener par ces formes tantôt obscures, tantôt lumineuses qui s’animaient au gré du ballet que mes yeux acceptaient de les voir jouer.
Les courbes et les cercles striés allaient et venaient, alimentant mes songes et mon esprit apaisé. Je me laissais aller à l’idée que des êtres protecteurs habitaient la matière du mobilier fabriqué, choisi et installé bien avant que je ne sois née.
Les vacances d’été étaient toujours longues, trop longues pour mes parents occupés. Ils m’envoyaient en passer une partie dans le Loiret.
J’étais l’enfant qui égayait le quotidien d’une grand-mère esseulée.
Nos journées étaient ponctuées de rituels. Elle préparait les repas et je mettais la table. On guettait le passage du facteur. Elle m’enseignait le tricot et la couture des boutons qui tombaient comme des fruits trop murs de mes vêtements bon marché.
J’aimais cette vie calme et tranquille.
Elle me choyait comme elle l’aurait fait d’une princesse déchue et oubliée.
Je l’écoutais évoquer des souvenirs lointains de mondes que je n’avais pas connu.
Et le temps s’écoulait, calme et serein, indifférent aux années.
J’aimais les visites au poulailler, côtoyer les moutons dans leur nuage de laine, énumérer les rangs du potager, cueillir les cerises sur les branches chargées et aider à étendre le linge sur le fil juste à côté.

Là, il était possible d’entendre l’âme se replier comme une nappe blanche…

Le soir au coucher, je me sentais encore pleine d’énergie, prête à veiller.
Alors, allongée dans les draps frais parfumés par le grand air, je laissais mon regard vagabonder dans le calme inerte de la chambre et scrutais quelques merveilles qui prolongeraient ma journée. J’avais pris l’habitude de les retrouver toujours aux mêmes heures et au même endroit, comme s’ils m’y attendaient, papillons aux ailes déployées ou cocons prêts à éclore dans la masse de bois teinté, contours sinueux tracés par l’outil du menuisier, mémoires d’un passé d’arbre de l’armoire.
J’avais interrogé ma grand-mère : croyait-elle que l’arbre vivait encore, une fois devenu armoire ? Essayait-il de me parler ? De m’avertir ?
Sa réponse ne fut pas très claire. Elle évoqua des glaneurs de rêve, des êtres de lumière qui n’apparaissaient qu’aux enfants ou à ceux qui en avaient gardé l’âme, le soir, dans la pénombre.
Elle me dit qu’ils étaient précieux et que je pouvais les aimer comme des êtres sacrés, qui guideraient mon âme au pays des songes.
Que devais-je faire pour les préserver ? Je médite encore sa réponse… Ma tâche n’avait rien d’exceptionnel : “arracher une pensée fugace telle une touffe de laine au peigne du vent”.

K.Y.D., le 10 novembre 2017 à l’atelier d’écriture Bols d’Air

« Les glaneurs de rêve » par Florence Parsy

 A la lecture de passages du livre de Patti Smith intitulé « les Glaneurs de Rêve » , chacun note les mots qui l’interpellent au passage :

 « Sacré, chant, herbe, grange blanchie à la chaux, violon, prière, califourchon, vagabonde, envol, papillon, lune, archaïque, main, couronne, déglingué, discret, silencieux, communier, joie, amis, basculer dans une immobilité, se replier comme une nappe blanche , langue, mélodie, béni, éternel, salopette, voler , fragile, signe de la main, splendeur, noblesse, chardons, épines, baiser, étrange, beauté . » 

    Consignes :

    – Ecrire nos propres « Glaneurs de Rêve «  en utilisant des mots de cette liste .

    – Etre un enfant .

    – Insérer la rencontre d’un vieil homme ou d’une vieille femme , ainsi que les trois phrases suivantes du livre dans le texte :

    . Au début : «  Par certaines nuits spécialement claires … »

    . Au milieu : «  « Là , il était possible d’entendre une graine se former , d’entendre l’âme se replier comme une nappe blanche . »

    . A la fin : «  Ma tâche n’avait rien d’exceptionnel : arracher une pensée fugace telle une touffe de laine aux peignes du vent « .

Par certaines nuits spécialement claires , il m’arrivait de voir du mouvement dans les cheveux des saules qui bordaient la rivière tandis que leurs troncs s’agitaient de bras et de jambes .

C’était les soirs de pleine lune . Ma grand-mère m’avait appris à lire le calendrier et je me préparais , ces jours de circonférence pleine , à rester éveillée le plus longtemps possible . J’étais impatiente pourtant – comme chaque soir d’ailleurs – d’aller me coucher  , car j’avais l’habitude de m’empêcher de dormir afin de prolonger les histoires extraordinaires qui m’arrivaient .
Ces soirs-là cependant , l’aventure prenait un relief un peu différent et plus étrange encore . Hissée sur une chaise , le corps en biais par dessus le haut radiateur , je guettais le galop de la lune dans l’embrasure de la fenêtre .
 Il était alors encore plus tard que d’habitude et la maison tout autour de moi semblait enfouie dans un ténébreux silence .
La chaise , je l’avais déjà préparée . Je tirais les rideaux sombres de coton et ouvrait grand les vantaux de la fenêtre .
La lune face à moi écarquillait son halo tendre et diffus de lumière irréelle et froide . Je le recevais de plein fouet tandis que ma poitrine élargie , aspirait cette pleine lumière . J’étais foudroyée .
Des écharpes de lune et de vent me balayaient le visage , et immobile , j’attendais le mouvement du monde .
Rien ne bougeait tout d’abord .
Puis c’était tout doucement ; à peine perceptible . Petit à petit pourtant , les herbes des champs semblaient s’étirer pour osciller faiblement . Je les voyais s’allonger comme attirées par la blafarde et lumineuse opalescence . Chacune séparément , puis d’un mouvement conjoint , ample et lent , comme pour l’ouverture un peu solennelle d’une symphonie . C’était le moment que choisissait la chevelure des saules pour s’embraser , se tordre et se délier , orchestrant elle aussi un mouvement lent qui s’entremêlait de concert aux plis du vent .
Je voyais scintiller la rivière animée d’un rire silencieux que les vaguelettes psalmodiaient en secrets et invisibles grelots qu’accompagnaient bientôt le violoncelle des lucioles . Puis d’ invisibles grillons posaient leur archet sur des cordes sensibles .

L’orchestre de la nuit prenait sa place .

C’était un long mouvement ample et furtif à la fois , le vent balayant la campagne et éveillant sur son passage des notes claires-aigües , des harmoniques sombres et profondes , comme si des milliers de mains tapies dans les herbages , sous les pierres ou le bord du chemin , sur les berges de l’eau , au creux des troncs tordus , jouaient tantôt à l’unisson tantôt en solo , leur partition .
A califourchon sur le bord de la fenêtre , j’écoutais de tout mon soûl , à l’affût , de ci de là , d’une sonorité nouvelle , d’une consonance inattendue dont les ondes parcouraient le clavier de mon échine .
Mon père m’avait familiarisée depuis longtemps à la musique ; mais là , seule , face à l’étendue liquide du paysage , je captais de tous mes sens la polyphonie cosmique , le contrepoint nocturne à la visibilité des choses . J’écarquillais les yeux et mes tympans se dilataient aux notes les plus improbables . 
Je m’emplissais d’un autre monde . Là , il était possible d’entendre une graine se former , d’entendre l’âme se replier comme une nappe blanche .
Les nymphes alors surgies des troncs accompagnaient parfois certains accords de leurs plaintes , complaintes , douleurs sombres ou petits rires en cascade . Puis les ombres s’y mettaient en une cavalcade de longs chevaux sombres qui courraient maintenant devant la lune en secouant la terre de leurs clair-obscurs : écharpes de nuées , chevaux , horses , exhorses  …

Mais sur le côté gauche du champ qui prolongeait la maison , plus claire encore les soirs de pleine lune et comme faisant partie du paysage , se tenait la longère déglinguée, et blanchie à la chaux de notre étrange et singulier voisin . « Un vieux tzigane » , disaient mes parents , attiré là par le marais peut-être , ou la coasserie cocasse des grenouilles , pensai-je . 

C’était le moment qu’il choisissait pour apparaitre . A la faveur d’une tache d’ombre , il surgissait soudain . J’entendais bientôt la première note suspendue de son violon , pour une complainte triste , un chant intense et vif et douloureux qui faisaient s’envoler des papillons , une supplique archaïque et sacrée que la lune couronnait de son halo . Tournant à peine la tête de peur d’être indiscrète , je le voyais émerger des roseaux , son fin visage légèrement dissymétrique penché sur son violon , aiguisant la lumière du bout de son archet . Il me savait à ma fenêtre . Nous n’en parlions jamais pourtant . Un jour que je l’avais rencontré en bordure de la ruelle qui longeait l’arrière de la maison , il m’avait simplement glissé dans la main un morceau de papier griffonné : les premières mesures de la  partition qu’il improvisait les soirs de pleine lune et qu’il avait intitulé dans son hongrois d’origine: » A gyüjtök alon » : « Les glaneurs de rêve « …

Serai-je un jour prêtresse sacrée ? Chef d’un orchestre de vent ? Peindrai-je jamais le tableau que j’avais sous les yeux ?
Mais je pleurais soudain : jamais je ne serai cette pure lumière tandis que cet instant m’échappait déjà .
Je savais qu’il me faudrait grandir tout en gardant au fond de l’âme le regard clair de ces nuits de pleine lune , même si ma tâche n’aurait rien d’exceptionnel : arracher jour après jour une pensée fugace telle une touffe de laine aux peignes du vent.

« L’Automne » par Karine

« Le jardin nu sourit comme une face aimée… »

« Retiens-moi ! » voudrais-je l’entendre me supplier, au lieu d’assister, inerte, à sa lente agonie rouillée.

Agonie !  Quelle idée !
Mais non, il ne meurt pas, il s’endort.
« Ne t’inquiète pas, je reviens bientôt.
Regarde comme c’est beau.
Aime mon autre visage. Celui qui s’offre à toi dans son entière nudité.
Sans atour ni tralala, avec ses fleurs fanées et ses branches abandonnées.
Regarde comme mon sommeil est une nouvelle vie.
Regarde comme je m’habille d’or, de rouge et de feu, comme pour mieux t’inviter.
Ecoute le bruissement des feuilles foulées,
amuse-toi du vol de celles qui continuent de tomber.
Sens-tu l’humus que tes pas ont frotté ?
As-tu goutté la châtaigne sucrée et la noisette que l’écureuil t’a laissées ?
Dis-moi, sais-tu encore, dans cette danse folle, où commence le ciel, et où s’arrête le sol ? »

Soudain la brume m’enveloppe et me rappelle à la torpeur de cette journée.

Poc-poc-poc-poc m’interpelle la forêt voisine où le bucheron œuvre pour les prochains feux de bois dans les cheminées.

Le sage alignement des bûches entassées m’appelle à une autre rêverie de cernes, et de carmins dorés.
Le soleil pâlit.
Mais où ai-je mis mon roman ? Il est grand temps d’aller me lover dans le canapé.
J’ai failli attraper froid.

« C’était fou d’en arriver là. »

K.Y-D. (Atelier d’écriture Bols d’Air à Palesne du 25 septembre 2015)

« Un voyage imaginaire » par Karine

Les murs de la maison étaient devenus trop étroits, les plafonds trop bas. Pour Sinbad il n’y avait que deux solutions : adopter les dimensions d’une petite souris ou se décider à quitter le nid trop exsangue. La première solution exigeait un pouvoir de métamorphose hors de portée ; la deuxième était tantôt terriblement excitante, tantôt fabuleusement effrayante.

Il allait de long en large, sur son tapis aux proportions de paillasson, ruminant, fulminant et désespérant de trouver une issue.
L’issue.
Un appel d’air ne suffirait pas Il lui fallait un moyen. S’échapper. S’envoler.
Pas disparaître, non. Evoluer. Exploser ces murs pour explorer le monde au-delà. Partir. Découvrir. VOYAGER. Vivre en grand. Déployer des ailes. Des ailes qu’il n’avait pas.
Il en était là de ses ruminations fulminantes, de ses rêves et espoirs désespérés lorsqu’une corde apparut devant ses yeux, surgie d’on ne sait où avec la force d’une invitation ferme et définitive à être saisie.
Sous l’effet de surprise, il faillit bien ne pas la saisir. Quelle bêtise ! Une tête pointa dans un trou du plafond :
« Allez, grimpe ! C’est pas le moment de flancher. C’est maintenant ou jamais. » Le ton engageant de cette voix avait un air de déjà entendu.
Mais où ?
Allez, Sinbad ! Monte. On part.
Bon, on verra.
Plus tard, Sinbad sentait déjà la caresse douce et fraîche du grand air sur son visage. Il saisit la corde, s’y agrippa et se laissa happer par son mouvement vers le ciel.
La tête avait disparu. Mais il en était sûr, maintenant ! Elle ne lui était pas inconnue.
Une fois extirpé du réduit qui l’avait jusque là abrité et protégé, Sinbad, toujours solidement agrippé à la corde, se laissa transporter dans un grand mouvement de balancier, dans un ciel limpide et serein, habité de quelques nuages moutonneux et placides, et déposer sur un sol vert, mousseux et soyeux à la fois. Incroyablement accueillant !
Ses yeux, qui avaient grandi dans l’obscurité, n’étaient pas encore remis de l’éblouissement qu’avait provoqué son voyage aérien. Il assura sa position sur ses pieds avant de les frotter de ses deux poings fermés.
Tout, autour, devint rouge, puis violet, puis orange ! et enfin bleu.
Des formes s’ébauchèrent peu à peu.
Un son étrange retentit.
Grincement, râlement, inspirant et expirant à plusieurs reprises… Un âne !
La forme plus précise ne fit plus aucun doute.
Sinbad l’enfourcha et partit au galop.
L’animal, complice, semblait connaître la destination. Sinbad s’en remit à lui, surpris d’être aussi facilement sorti de sa première réserve.
Par un étrange hasard, ce qu’il vivait là était exactement ce que ses rêves de la nuit passée lui avaient montré et qu’il bouillait de ne pas pouvoir réaliser avant de saisir la corde et d ‘entendre la voix de l’oncle Archibald.
Car c’était lui, c’est sûr, qu’il avait entr’aperçu dans la brèche du toit et dont la voix oubliée depuis si longtemps l’avait rappelé à son souvenir.
Oncle Archibald, que le goût de l’aventure avait éloigné de la maison et de la famille depuis si longtemps. Et si loin qu’on avait fini par le penser mort.
Il ne l’avait donc pas oublié.
Accroché à l’encolure de l’âne, Sinbad tentait de ne pas perdre une seule image du paysage.
La mousse avait laissé place à n sol d’abord sableux, puis plus dur, plus rocailleux. L’animal y était manifestement habitué. Rien ne freinait sa course, tout âne qu’il était.
Des arbres, des montagnes, des lacs… Sinbad n’en n’avait jamais vu autant.
Puis soudain, ce qui devait arriver arriva, lorsqu’on voyage sur un âne.
Il rua.
Projeté droit devant, Sinbad atterrit devant un bâtiment immense. Son portail large était décoré de mosaïques incrustées de pierres précieuses.
La lourde porte de bois coloré s ‘ouvrit en deux battants sur un personnage majestueux vêtu d’un long manteau de soie.

KYD (Atelier d’écriture Bols d’air du 28/08/15)

« Cabines téléphoniques » par Karine

Palesne, fin des années 90.

Elle était encore là, la cabine téléphonique.
Dressée sur le trottoir mi-herbe, mi-gravier, près de l’abribus en plaques de béton sur le côté d’un espace dégagé réservé aux jeux des enfants attendant le ramassage scolaire, occupé une fois l’an par une brocante vide-grenier et le reste du temps par les mini-tournois de foot ou les parties de pétanque organisées par Renaldo, le propriétaire du seul café.
Avec ses parois de verre, son combiné en mélaminé relié au tableau métallique à boutons poussoir crasseux et sa porte à double battants coulissants qui prenaient le vent, elle avait l’air parachutée d’un autre monde, d’un autre temps. Elle posait là comme un équipement civilisé dans l’abandon rural d’une place dominée par le végétal.

Seuls les saisonniers agricoles exilés provisoirement du Maghreb, le temps de se refaire une maigre fortune, les utilisaient encore pour ce qu’elles étaient. Ils y appelaient leurs familles pour de longues conversation dans une langue d’ailleurs. Elle s’en trouvait élevée au rang de moyen de transport pour leurs effusions de cœur.

Sans doute y réglaient-ils aussi quelques affaires à traiter de loin, d’une voix autoritaire et fatiguée, pour que leurs familles ne se sentent pas abandonnées.

Les jeux de foot et de lancers de projectiles variés selon la saison eurent un jour raison des parois de verre, tout articulées et coulissantes fussent-elles. Elles commencèrent par se fendiller en un réseau complexe et serré aux sinuosités évoquant vaguement la terre craquelée de pays assoiffés, avant de tomber en miettes de cristal parmi les graviers.

Elle fut alors, mais sans grande urgence, enlevée de l’espace public pour ne jamais être remplacée.

Et l’on n’a plus jamais revu les saisonniers.
KYD, bol d’écriture d’octobre 2017

Sketch d’un autre temps, autre lieu

Dans une ville, près d’un jardin public avec un banc, une cabine téléphonique équipée d’un rideau coulissant.

Il s’y passe de drôles de choses…

Un policier est en faction près de la cabine. Il rêvasse en regardant d’un air distrait la circulation sur le boulevard.
Un cadre en costume en sort, ajustant sa cravate. Il s’éloigne d’un pas très pressé sans porter attention à une femme en pardessus serré qui manque de le bousculer.
Celle-ci se précipite dans la cabine, saisit le combiné. Sa conversation parvient aux oreilles du policier.
« Antoine, j’ai dû sortir de la voiture pour faire descendre le petit qui ne voulait pas aller à l’école. Il s’était attaché les pieds dans la ceinture de sécurité. Mais quand j’ai refermé les portières, la voiture s’est verrouillée de l’intérieur. La clé est restée sur le tableau de bord. Je n’y comprends rien à ce système de sécurité !

Je t’appelle d’une cabine téléphonique, là.… Oui, sur le boulevard… Non, je suis coincée. En plus, je n’avais pas eu le temps de m’habiller.
… Non, pas toute nue ! En peignoir… Oui, dans la rue, mais j’ai quand même mon pardessus, par dessus.
Comment je fais ? Tu ne pourrais pas venir me chercher ? M’apporter le double de la clé ? Je vois bien un policier mais… »
Une femme du genre qualifié de mauvaise vie s’approche et commence à crier tout en frappant à la porte de la cabine :
– Dis donc, la morue, tu vas laisser la place, oui ? C’est mon espace privé ici. J’ai fini de taffer et c’est l’heure de me reposer.

Le policier s’approche :
– Veuillez circuler, s’il vous plait. La dame a des ennuis. Elle demande de l’aide à son mari
– Des ennuis, des ennuis ! J’ai pas l’air d’en avoir, moi, des ennuis ? Et j’ai pas l’air d’une dame ? Elle va pas nous les pomper, la bourgeoise. Elle doit bien avoir un téléphone portable, elle a qu’à nous laisser l’immobilier.

Le policier, ennuyé :
– Madame, madame, sauf votre respect, ceci est une cabine téléphonique à usage public. Vous n’avez pas à en faire un usage privé.
– Non mais mon mignon, s’il-me-plait-ton-respect, on voit bien que t’es nouveau dans l’quartier, toi. T’y a pas encore goûté, à mon espace privé… Vire la bourgeoise.

KYD, bol d’écriture d’octobre 2017


RENAISSANCE au PRINTEMPS ! par Michèle

Le renouveau de la nature émerveille les cœurs endormis, enlacés dans ses ramures. Les timides violettes se pressent près de l’amandier qui ne demande qu’à fleurir. Le merle rit d’entendre le muguet agiter ses timides clochettes !

Les glycines frissonnent au souffle du vent et dégagent un parfum envoûtant. Les joncs somnolent au bord de l’eau et jouent la lumière du soleil. Ses rayons touchent doucement la terre et parsèment les prés verts de coquelicots vermeils !

Au son du gazouillis des oiseaux, une nymphe, aux courbes opulentes, porte à sa bouche la rosée éphémère ruisselant sur sa robe et caresse les pétales de l’anémone si douce … Son âme flotte dans l’air embaumé et s’élève dans le ciel azuré.

Les amants se regardent à nouveau et espèrent le retour de l’AMOUR !

Michèle

Texte de Guy (26 août 2016)

Il est un endroit merveilleux, unique : celui où la terre rencontre la mer. La terre immobile, accueillante ou dangereuse, c’est selon la géographie; la mer toujours changeante, parfois douce et tendre, à d’autres moments lançant de tumultueuses vagues, de désir ou de colère, à l’assaut de cette impassibilité qui l’exaspère.
Ici, dans cette baie calme, c’est, sauf à de rares moments, de tendres épousailles; on y sent toute la douceur de la mer qui s’avance à la rencontre de celle qui va l’accueillir et l’invite aux caresses.
Nulle aspérité où l’eau se déchirerait, seulement un sable doux qui attend l’onde bienfaisante. Un ample respiration s’établit. Entendez-vous les grains de sable rouler dans un perpétuel mouvement?
Mais ailleurs vous serez saisis par le combat furieux, l’interminable empoignade de deux monstres qui ne peuvent que s’entredéchirer. La mer part à l’assaut des roches, se jette furieusement sur la terre, la griffe, la bat, la dévore dans un grondement titanesque; tandis que la terre entaille chaque vague, se protège avec des boucliers de gros rochers. Toute une écume blanche qui jaillit de ces blessures témoigne de l’ampleur de l’assaut : c’est le grand combat des éléments.
Et toujours, de la douce attention à l’autre à l’acharnement à le détruire, c’est de la même noce qu’il s’agit, qui jamais ne laisse entrevoir son profond mystère.
Homme libre,  tu ne chériras ni la mer, ni la terre, mais toujours l’infime espace de leur rencontre, toujours recommencée, toujours imprévisible.